lundi 2 avril 2007

AURELIA AURITA * INTERVIEW PART I

AURELIA AURITA, tu connais ? Alors toi-même tu sais. Si tu ne la connais pas, je ne te donne pas plus de 10 minutes avant de tomber sous le charme de cette jeune dessinatrice (27 ans) auteur du très délicatement nommé ANGORA en 2003 et de FRAISE ET CHOCOLAT en 2006, adorable album racontant sa rencontre et sa relation passionnelle avec le dessinateur français exilé au japon Frédéric Boilet.
Même principe que pour l'interview d'IVAN BRUN, je poste ici l'intégralité de l'entretien réalisé avec Chenda (toi aussi t'as cru qu'Aurélia Aurita c'était son vrai nom ? On est naïfs, hein ?), entretien réalisé pour les besoins d'un article que je prévois d'écrire pour les pages culturelles du quotidien suisse LE COURRIER.
Feu !
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Vous êtes en France depuis quand et pour encore combien de temps ?

Aurélia Aurita : Je suis en France depuis quelques semaines, mais je suis sur le point de partir en Bolivie avec Frédéric (Boilet, ndlr) pour un festival BD.

Votre éditeur me disait que vous étiez venue passer quelques semaines en France afin de terminer le 2e tome de FRAISE ET CHOCOLAT. Je m'étais imaginé une sorte de retraite monastique.
Oui c'est un peu ça, je suis au calme, à la campagne. Il y a des petits oiseaux, un coq, des lapins...

Qu'est-ce qu'est exactement que ce festival bolivien où vous êtes invités ?
Le festival existe depuis 5 ans, il se déroule à La Paz. L'expo Nouvelle Manga, qui tourne dans le monde depuis son lancement au Japon fin 2005, y sera présentée. Il semble qu'on nous attende aussi à l'Alliance Française de Cochabamba... C'est quelque chose de plutôt informel, je ne sais pas trop ce que ça va donner. On a été un peu prévenus à la dernière minute. Fredéric est allé une fois au Brésil, mais personnellement je ne suis jamais allée en Amérique du Sud. Bref, on verra bien ce qui nous attend !

Le saut vers le grand inconnu alors !
Pour revenir au premier volume de FRAISE ET CHOCOLAT, combien de temps avez-vous travaillé dessus à partir du moment où vous avez commencé à dessiner ?
Pour le dessin, ça m'a pris un peu moins d'un an. J'ai dû commencer en avril 2005 et j'ai terminé en février 2006. Pour le scénario, j'avais commencé à y réfléchir en décembre 2004.

Vous l'avez dessiné pour l'éditeur chez qui il est finalement sorti, ou bien est-ce que vous avez créé cet album sans vous en soucier ?
Au départ, c'était juste entre Frédéric et moi. En 2004, un peu avant Noël, j'étais en France, lui au Japon, et je lui ai envoyé par courriel les esquisses des quarante premières pages. Elles lui ont beaucoup plu (c'était le but recherché...) et c'est lui qui m'a encouragée à continuer, à en faire un livre. Ensuite, nous avons cherché l'éditeur ensemble.

Quels sont vos premiers kiffs-BD étant enfant ? Vous étiez plutôt branchée BD franco-belge, comix US ?
Quand j'étais enfant je lisais ce que j'avais sous la main. Mon premier album c'était La soupe aux Schtroumpfs, donc de la BD franco-belge. Quand j'ai eu fini de lire tous les Schtroumpfs, j'ai lu tous les Astérix, et en même temps Le Journal de Mickey et Picsou Magazine, mon premier pas dans l'univers du comix américain. Après, il y a eu l'explosion des dessins animés japonais sur La Cinq au milieu des années 80. On peut donc dire que j'ai grandi sous ces trois influences...

Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui vous disent que l'autofiction est un genre réservé aux gens qui n'ont pas d'imagination ?
J'avoue qu'on ne m'a jamais posé la question directement. Je ne vois pas les choses de cette manière, les plus grands auteurs de fiction s'inspirent de choses qu'ils ont vues, entendues, voire vécues. Je ne crois pas à l'imagination pure, aux idées qu'on sort du chapeau. Quant à l'autobiographie, c'est d'abord une mise en scène du "réel", et là où il y a mise en scène, il y a fiction, et donc "imagination".

L'autofiction est quand même un pari très risqué d'un point de vue artistique, l'auteur est toujours sur la corde raide, les possibilités de tomber dans l'ennui, le vide, l'inintéressant sont nombreuses quand on traite du banal, du quotidien.
Ça me rappelle cette citation de Flaubert : "Il faut peindre bien le médiocre". En effet, c'est à l'artiste de rendre l'ordinaire extraordinaire. Mais je ne comprends pas très bien la notion de "risque" dans tout ça?
Je pensais à cette incapacité d'apporter ce nécessaire surplus de poésie dans cette "mise en fiction" du quotidien, de ne pas parvenir à donner de forme au banal.
C'est vrai qu'il existe des autobiographies très ennuyeuses, mais il y a également des auteurs de récits d'aventures qui n'arrivent pas à donner forme à leurs histoires rocambolesques. C'est une question qui se pose pour tous. Chaque histoire est un pari, un risque à prendre, sachant que certains sujets sont peut-être plus difficiles à traiter que d'autres.

Avant de commencer à travailler dans une direction autobiographique, est-ce que vous aviez préalablement réfléchi à votre approche, ou bien est-ce que vous avez avancé à l'instinct ?
Ça s'est fait petit à petit. Quand j'avais 13-14 ans, je lisais des magazines d'humour comme Fluide Glacial et des mangas style Dragonball. J'ai donc dessiné mes toutes premières histoires dans ce genre hybride et improbable : de l'humour Fluide Glacial servi par un dessin manga...
A 15 ans, j'ai découvert en kiosque la revue Bananas, avec des histoires courtes de Crumb, Baudoin, Neaud... Ca a été un choc pour moi: ces histoires du quotidien et de l'intime, je les ai tout de suite aimées. Mais j'étais loin de m'imaginer qu'un jour, moi aussi, je raconterais la mienne. Il m'a fallu encore 10 ans pour oser franchir le pas. J'ai commencé en dessinant une héroïne à tête ronde, qui n'avait pas de nom et qui changeait de rôle à chaque histoire, comme une actrice. Et puis il y a eu Angora, je ne sais pas si vous l'avez lu...

Oui, oui, j'allais justement vous en parler, c'est un album qui tâtonne entre fiction et autofiction. Il est à la fois très structuré, en même temps il semble construit sur des situations vécues. Impossible pour le lecteur de ne pas ressentir une grosse proximité avec l'auteur.
La plupart des saynètes ont été vécues soit par moi, soit par des amis, d'où cette impression sans doute... De toutes façons, on ne parle bien que de ce qu'on connaît...
(La suite ICI)

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