Comme promis, voici l'interview de IVAN BRUN réalisée la semaine dernière pour le compte du quotidien Suisse romand LE COURRIER.
Une toute petite partie de cette interview ayant été utilisée pour l'article (à paraitre ce week-end, numéro du 10/11 mars 2007), je posterais ces prochains jours, bouts par bouts, l'intégralité de cet entretien.
Enjoy !
Enjoy !
- - - - - - - - - - - - - -
Quels sont tes premiers souvenirs en matière de BD ? Quels Quel rapport avais-tu à l’image quand tu étais enfant ?
IVAN BRUN : J’ai été sensibilisé à la bande dessinée assez tôt, comme tout les gamins j’ai commencé à lire les Picsou ou les pockets de gare, des trucs comme ça. Je dessinais beaucoup étant enfant, mais je me sentais pas spécialement attiré par la BD. C’est vers l’âge de 10 ans que j’ai eu une révélation en tombant sur les albums de Druillet, Bilal. Sinon, j’ai eu souvent l’occasion de visiter des musées, de voir des peintures, j’ai été sensibilisé aux arts visuels très jeune.
A la grande époque de METAL HURLANT alors.
Je suis tombé là-dedans en 1984, ils en étaient autour du numéro 100, c’était plutôt le déclin du magazine. Moi je les achetais d’occase, c’est comme ça que j’ai commencé à lire de la BD « pour adulte » assez jeune.
Tu as commencé à te faire connaître au début des années 90, à une époque où se croisait culturellement parlant : le déclin du Rock Alternatif (donc l’émergence d’une véritable scène Punk/Hardcore Française dont tu feras partie), la naissance de la BD indépendante Française. De quelle manière penses-tu à ces années ?
Les années 90 c’était plutôt pour moi une période de rupture à tous les niveaux. C’était un peu la fin de l’insouciance...
Par rapport à la Bande Dessinée, il y'avait une crise de l’édition à ce moment-là qui était due à la standardisation de la production et le public avait tendance à décrocher. Qui plus est la récession économique due à la Guerre du Golfe, bref, tout un tas de facteurs qui faisaient que tout ce monde là était en train de se casser la gueule.
C’est à cette époque que j’ai commencé à démarcher des éditeurs, vers 91/93, mais il n’y avait aucune ouverture dans ce milieu à ce moment là. Même les dessinateurs qui étaient en place avaient du mal à se maintenir, beaucoup ont abandonné la bande dessinée à cette période, il n’y avait aucune place pour les jeunes auteurs. C’est ce qui explique aussi l’éclosion des éditeurs indépendants comme L’Association, Les Requins Marteaux, 6 Pieds sous Terre, des petites structures qui se sont créées en réaction à ça.
J’ai donc démarché pas mal d’éditeurs, je me suis fait rembarrer partout, je me suis donc éloigné du milieu de la BD pendant un petit moment pour me consacrer à la peinture. J’y suis revenu vers le milieu des années 90, mais sans l'intention d’y faire carrière. Il me semblait que c’était un milieu complètement mort.
Quels sont tes espoirs aujourd’hui ?
J’ai recommencé à m’y mettre de façon plus assidue au début des années 2000, parce que je m’étais retrouvé bloqué dans une totale impasse au niveau de la peinture parce que je faisais un travail qui n’intéressait pas les structures institutionnelles, les centres d’art contemporain parce que je faisais de la peinture figurative et que c’est quelque chose qui ne rentre pas dans le cadre de leurs préoccupations. Au niveau du circuit privé ça ne les intéressait pas non plus parce que le propos était trop violent, trop véhément. Il n’existait aucun espace pour présenter ce travail, donc j’ai du abandonner.
Les années 90 ont été pour moi une décennie plutôt chaotique faite de changements de direction, de renoncements.
Un parcours rythmé par les tendances, à la merci du bon vouloir des institutions et des galeristes qui décident quoi montrer, quoi voir.
Dans la mesure où je ne veux pas faire un autre métier, dans la mesure où je suis bien incapable de faire un autre métier, je ne pouvais pas me permettre de bosser dans mon coin, hors de la réalité du marché. Si je dessinais le Dimanche avec un boulot alimentaire à côté, c’est évident que je me foutrais de ces aspects purement mercantiles, matériels. Dans ma position, je suis évidemment obligé d’en tenir compte.
Quelle part de calcul retrouve t-on dans ton travail aux apparences si spontanées ?
Au niveau des contenus, je suis relativement libre, je suis attaché à certains thèmes, à certains sujets, et je me sentirais bien incapable de faire un travail purement commercial. Le calcul se fait plus vis-à-vis des moyens de diffuser ton travail. Par exemple, la peinture c’est très plaisant à faire mais si personne ne la voit, ça n’a aucun intérêt.
C’est quelque chose que tu as complètement abandonné aujourd’hui ?
Ouais, j’en suis complètement dégoûté (rires). En plus il y a tout un aspect matériel qu’il n’y a pas avec la BD, il faut du matériel, il faut un local, des fournitures, beaucoup de contingences matérielles qui sont un peu lourdes à gérer. Alors que quand tu fais un dessin, tu le fais photocopier ou imprimer, il va être vu par nettement plus de monde. Avec le numérique, avec Internet, tu n’as plus besoin de t’enfermer dans un atelier avec un chevalet et de faire le truc à l’ancienne.
À l’époque de l’Académie de la Contre-Kulture, tu étais donc en plein dans la fin de cette période-là, non ? Je me souviens y avoir souvent vu tes peintures trainer ou accrochées aux murs pas mal de tes peintures.
Vu qu’il n’y avait pas de place pour pouvoir exposer, l’Académie c’était la tentative un peu illusoire de créer son propre espace. Ca a été une expérience éprouvante et formatrice par d’autres aspects, avant de me rendre compte que c’était beaucoup d’énergie balancée en vain, d’autant plus que le travail de gestion du lieu se faisait au détriment de mon travail personnel. De plus, il y avait pas mal de tension entre les artistes, beaucoup de problèmes relationnels un peu durs à gérer. Bref, pas mal de choses qui ont fait que j’en suis sorti un peu aigri.
Pour ceux qui n’ont jamais connu ce lieu, tu pourrais nous en parler un peu ?
On a investi ce lieu en 1996, au départ nous y avions installé un local de répétition, j’ai commencé à m’y investir davantage en 1997. C’étais vraiment un taudis infernal cette baraque, le rez-de-chaussée était une sorte de gigantesque beine à ordure, il a fallu déblayer, rénover tout ça. On a tenté aussi d’y faire des concerts au départ, mais on a du y renoncer assez rapidement parce qu’il y avait pas mal de relous sur Lyon, notre public était plutôt du genre difficile à gérer.
(La suite ICI)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire