Ecouter le dernier album des BAD BRAINS me donne surtout envie de réécouter leurs vieux albums. Rock For Light en tête. Cette réflexion est aussi vraie pour 99% de ce qui se fait aujourd'hui en punk/hardcore...
Je regarde les vieilles trombines de Rollins et de H.R. au début des 80's et je me dis qu'ils sont sûrement la dernière génération à avoir vécu un truc "vrai" au contact d'une contre-culture. Un truc s'est vraiment brisé à la fin des années 80, et pas que dans le microcosme Punk. Pas de chances, je suis arrivé à ce moment là. Depuis, on ne fait plus que rechauffer les plats surgelés au micro-ondes en faisant mine que c'est aussi bon qu'au bon vieux temps (bon vieux temps qu'on a, pour la plupart jamais connus). Vivre le truc par procuration, à travers l'expérience des autres. Le fetichisme. Les livres. Les photos, les témoignages. Qu'on tripe sur la scène Hardcore US des 80's, la scène psyche des 60's aux Etats-Unis ou l'avènement du Rock Progressif en Angleterre au début des 70's. Ou n'importe quelle authentique contre-culture. Après avoir vécu 15/20 ans au contact de la scène Punk/Hardcore française, et pris un peu de recul sur mon parcours, je me rend compte seulement aujourd'hui à quel point on nous avait, déjà à cette époque, volé notre droit à l'Expérience. L'Expérience pure, cette singularité qu'on ne traverse qu'une fois. Cette Expérience qui, répétée une seconde fois, devient fatalement le double désincarné de l'original.
Toi qui propose une expérience de l'art somme toute assez directe, frontale, j'ai été très surpris d'apprendre ta collaboration avec MATHIEU COPELAND(sur une installation vidéo au Musée d'Art Contemporain de Hong-Kong, production de ton film en DVD). N'est-ce pas un peu contradictoire pour toi de travailler avec quelqu'un venant de l'Art Contemporain, de l'Art Conceptuel ?
Oui et non, car il y a quand même eu un gros travail préliminaire de conceptualisation dans la réalisation d'APPELLE CA COMME TU VEUX.
Oui, mais on peux apprécier ton film directement, il n'est dépendant d'aucune explication, ce qui est rarement le cas dans une expo ou une installation d'Art Contemporain.
Je t'avouerais que cette rencontre m'a beaucoup surpris aussi. C'est une rencontre étonnante qui, de plus, correspondait à un moment où j'avais envoyé le film un peu partout sans avoir de retours.Dans un premier temps, MATHIEU COPELAND m'a contacté car il connaissait DIABOLOGUM, PROGRAMME, mon parcours musical. Il n'était même pas au courant que je réalisais maintenant des films. Je lui ai montré le film, ça lui a plu de suite. Mathieu a beau venir de l' "école conceptuelle", où bien souvent l'explication de l'oeuvre est plus importante que l'oeuvre elle-même, il a aussi une personnalité très frondeuse. J'ai été le premier surpris, je ne pensais pas que le film pourrait exister à travers quelqu'un venant de l'Art Contemporain. Je pensais plutôt avoir des ouverture du côté "documentaire", du "film social"...
Parles-nous de ce film que tu as réalisé avec lui à Hong-Kong, "Sound Take in a Hospital". C'est un film en 16mm qui est très différent, qui est à la fois un film de commande et un film personnel, où il y a tout de même des formes qui se perpétuent, mais sous des aspects différents. C'est aussi un "film collectif", où il n'y a pas vraiment de personnage principal, pas de psychologie non plus.
Ce film a aussi été édité en DVD. Oui, il est disponible sur le site de Mathieu. Et puis à mes concerts, si j'arrive à en récupérer.
Quelles affinités avais-tu avec le milieu de l'Art Contemporain avant d'y être introduit ? Etant jeune j'ai un peu commencé par ça dans la culture, mais par une voie un peu plus classique : la peinture, les impressionnistes, et assez vite j'ai atterri sur les mouvements d'avant-garde du XXème siècle, de Dadaïsme, le Surréalisme, quand j'étais au lycée. Je lisais beaucoup de choses là-dessus, et j'ai été très vite marqué par certaines trajectoires d'artistes contemporains des années 60/70. Ca m'a beaucoup marqué, même avec DIABOLOGUM où on faisait beaucoup référence à ça puisqu'on trouvaient nos références aussi bien dans l'Art Contemporain que dans le cinéma que dans le Rock, nous ne faisions pas forcément de séparations entre tout ça. Ca m'a permis de comprendre ce que pouvait signifier l'évolution d'un artiste en plus de ce qu'il a fait. Y'a ça aussi chez des écrivains, chez Beckett par exemple... Je ne sais pas si je suis très clair...
Tu veux parler de l'auto-réflexion de l'artiste sur sa propre évolution ? Oui, quel geste dessine tout ce que l'artiste a pu faire. Qu'est-ce que ça indique comme direction. Chez Beckett par exemple, son écriture est de plus en plus dépouillée. Et le fait de m'intéresser à l'Art Contemporain assez jeune m'a mis ce type de réflexion en tête. Le côté conceptuel aussi, qu'on retrouve aussi beaucoup dans le Rock. Comme je l'avais beaucoup vu avant dans l'Art Contemporain, j'y ai fait plus attention dans le Rock. C'est vraiment ce que ça m'a apporté, dans DIABOLOGUM comme dans PROGRAMME, cette "pensée de ce qu'on fait", et des incidences que cela peut avoir ailleurs que sur les chansons elles-mêmes.
Parlons de ton premier disque "solo", qui même s'il est foncièrement plus "pop", reste tout de même dans la ligné du "Bogue" de PROGRAMME, c'est à dire un disque contenant des morceaux "dominants" ponctués d'interludes. Quand tu as commencé à travailler sur le film, tu n'avais pas spécialement prévu de revenir vers la musique. Comment es-tu revenu vers la musique ? Le processus a été assez long. A la base, je venais de finir de travailler sur le film, puis Mathieu m'a contacté. On est pas partis directement sur une idée de film, on est d'abord partis sur une bande son, puis sur un texte. Ca a été l'élément déclencheur qui m'a donné envie de refaire de la musique. J'étais à ce moment-là vraiment déconnecté, j'avais réalisé le film, je n'avais eu aucun retour, je n'avais pas spécialement envie de refaire des morceaux. Bref, j'étais un peu paumé. J'ai donc commencé à travailler sur cette bande son, suite à ça j'ai écris un texte qui est devenu les différentes parties de "Poing Perdu". Ca a été un début, puis ça m'a donné envie d'écrire d'autres textes, d'autres musiques, de recommencer à penser en terme de disque. Tout cela a duré 6/8 mois, c'est le temps que ça m'a pris pour avoir à nouveau envie de recomposer des chansons.
Et sur scène, quelle configuration as-tu choisi ? On est à deux, avec un guitariste, Ronan. Moi je suis à la voix et à la guitare, parfois juste à la voix. Sur scène il y a des passages où il y a des projections, sur lesquelles je récite du texte, des passages où on joue les morceaux les plus pop du disque à la guitare accompagnés d'une boite à rythme. Le concert ressemble donc à une espèce de performance. Les images sont des images du film, mais montées d'une autre manière. Depuis longtemps j'avais en tête de créer une sorte de poésie audiovisuelle, et ça a été l'occasion de réaliser ce projet. J'ai donc retravaillé avec des images du film, mais qui du coup prennent un autre statut, deviennent plus quelque chose comme un journal filmé, ou un film expérimental. Quand je travaillais sur APPELLE CA COMME TU VEUX, y'a un truc qui me tracassait vraiment énormément, c'était l'idée de résultat. Arriver à quelque chose de fini. Je me disais que l'idéal serait de monter le film différemment pour chaque projection. Forcément je n'ai pas pu le faire, même si j'ai projeté à 2/3 reprises le film avec des montages différents, il arrive un moment où il faut s'arrêter, où je n'ai pas été capable de suivre le truc jusqu'au bout. Sur scène j'ai donc décidé de tenter de dire autre chose, mais à partir des mêmes images. Le concept est donc un mélange de moments avec ces projections, avec des moments plus classiques, mais réfléchi comme un tout : un début avec des projections, ça s'arrête, ça revient à la fin. Il y a aussi un dialogue entre moi ce que je dis et ce qui est dit à l'écran. Je suis finalement assez content du résultat, c'est assez brut, hybride, original.
Tu as recomposé d'autres morceaux pour la scène ? Oui, il y a un morceau qui n'est pas sur le disque, qui est une adaptation de la voix-off de APPELLE CA COMME TU VEUX, deuxième partie. C'est une "mise en chanson" de cette voix off. Sinon, ce sont des morceaux du disque qui sont joués différemment, puisqu'on commence par un morceau qui doit faire 10/12 minutes contenant en fait les trois "Poing perdu" et "Le Peuple Sans Visage" avec un son du disque qui tourne en boucle et des choses qu'on a composé spécialement pour la scène. Je n'avais pas envie de recracher le disque strictement, j'aime bien que les choses changent en permanence et continuent d'évoluer.
Une fois la tournée finie, comptes-tu retourner un film très vite ? Je vais écrire un nouveau scénario au mois d'août, normalement. J'ai emmagasiné pas mal d'idées depuis la fin du tournage d'APPELLE CA COMME TU VEUX en 2005. Suite à l'expérience avec le film de Hong-Kong, qui est un projet plus cinématographique, j'ai pu me rendre compte quelles étaient mes limites à l'intérieur de ça, qu'est-ce qui m'intéressait, qu'est-ce qui ne m'intéressait pas. Là je me sens prêt à réécrire pas mal de choses. Sur le fond comme sur la forme, ça va repartir vers quelque chose d'assez brutal, d'assez éclaté, parceque... parceque... parceque j'en peux plus, quoi ! (rires). Il faut que quelque chose explose. J'ai bien essayé d'écrire des scénarios plus classiques, de dire les choses d'une autre manière, j'ai essayé, j'ai commencé à écrire, mais ça ne me motivait pas. Je vais donc repartir sur une forme assez barrée, assez multiple. Encore une fois, je n'ai pas le choix, je n'ai pas trop envie de faire autre chose. Il me semble que les questions autour de la fiction et du documentaire restent des questions à poser. Sur la structure aussi, sur comment on organise les choses, pourquoi les choses ont un lien entre elles qui dépasse le lien qu'on va créer à l'intérieur d'un film. Dans un film classique, les bouts de réalité ont un lien parce qu'il y a une histoire, un personnage, alors que dans mes films il y a cette idée que les bouts de réalité ont un lien entre eux. De toutes manières. J'aimerais aussi arriver à dire des choses assez claires, je crois qu'en ce moment je crois qu'il y a vraiment urgence. Même si je sais que ce n'est plus possible de dire aujourd'hui des choses claires.
/// FIN ///
Merci à Laurent Mantey (ICI D'AILLEURS) et Arnaud Michniak pour sa disponibilité... et pour les bouffées d'oxygène.
Est-ce que cette volonté de faire sens à travers un montage très rapide et un choix d'images hyper sélectif était une volonté d'articuler le moins possible ton discours, ou est-ce que c'était une volonté de trouver une équilibre entre un "savoir faire" et la recherche d'une certaine urgence ?
Avant de commencer le film, j'avais déjà l'esthétique en tête (même si je n'aime pas trop ce mot), je sentais que ça allait passer du coq à l'âne, que ça allait être très rapide, avec des points de coupe assez brutaux. Après, j'ai plus abordé le montage comme une espèce d'improvisation, comme une espèce de parasitage rythmique. Effectivement, y'a des moments où il y a vachement de sens, mais finalement c'est venu assez naturellement. Ca a été très "intellectualisé" en amont, puis dès que j'ai eu les rushs et que j'ai commencé à monter, c'est venu très naturellement, sans travailler d'après un argumentaire bien précis.
Le résultat est parfois jouissif en même temps que très frustrant. Les plans et les scènes sont si courts qu'on souhaiterait souvent que tes "personnages" s'expriment un peu plus. Tout en sachant que s'ils s'exprimaient plus, tu perdrais en chemin cette urgence qui traverse le film.
Le film a un peu les qualités de ses défauts. Etant donné que j'avais énormément de rushs, c'était quand je "rajoutais" qu'il me semblait que je perdais quelques chose, que le film commençait à devenir "normal", comme si je cherchais à vouloir marcher sur des plates bandes plus conventionnelles. J'ai donc plutôt fait le choix de la vitesse... Peut-être pour être dans un geste, pour ne pas être dans une position confortable où finalement on arrive à résumer les choses, à facilement les interpréter. Je voulais être dans quelque chose de plus vivant, de plus mouvementé, un peu comme quand on est dans une voiture et qu'on voit les choses le temps que la voiture passe devant. Dès que ça faisait un peu "personnage", un peu trop "scénario", ou un peu trop "cinéma", ça me gênait.
Finalement, je trouve que le film fait surtout sens sur la longueur. Beaucoup de docu fonctionnent comme une accumulation de signes et de sens, se construisent brique par brique comme un assemblage/montage d'idées. Alors que dans le cas d'APPELLE CA COMME TU VEUX, je trouve que le sens finit simplement par traverser le film, sans qu'on puisse dire que le discours demeure dans tel ou tel enchaînement de plans. Pour moi c'est une vraie qualité dans ce film.
Si c'est le cas, pour moi aussi alors. Tu veux dire que le sens n'est pas schématique, qu'il apparaît presque malgré nous, à la limite?
Tout à fait.
Je pense que c'est la position de départ qui a permis ça, le fait de penser en terme de caméra, pas en terme de cinéma, de partir de ces envies pseudo-amateurs. Avec le recul, je me rend compte qu'on a beaucoup réfléchis à la caméra. J'ai aussi pas mal pris la tête aux gens qui étaient avec moi pendant des heures. Il me semblait que ce qui était important c'était la caméra, que le cinéma en soit n'était rien. Souvent on dit que la caméra est à tel endroit. Mais moi je me disais "non, la caméra est entre telle et telle chose, ainsi il y a toujours un rapport". La place de la caméra est la somme d'un rapport, mais ces rapports changent en permanence. Peut-être que quelque part, l'envie de vitesse vient de là. Ce sont vraiment ces réflexions préliminaires qui ont fait le film, et les quelques films que j'ai pu faire à l'école m'ont permis d'affirmer cette démarche.
Comme le choix de ne pas faire de choix entre fiction et documentaire ? Oui. C'est dramatique pour moi de devoir faire le choix, d'autant plus que ce ne sont pas des catégories qui existent vraiment. Il y a beaucoup d'écoles où on te demande de faire ce choix. A l'ESAV, il n'y a pas ce choix à faire. Ce n'est jamais abordé dans ces termes là, et ça m'étonne toujours que les gens choisissent l'un ou l'autre. "Je vais faire une fiction"... Je ne sais pas ce que ça veux dire.
A la FEMIS par exemple, tout est pensé en ces termes là. Contrairement à l'ESAV. Il s'agit de deux écoles complètement différentes : l'une est une usine à former des techniciens et des metteurs en scène pour la télé et le cinéma français, et l'autre est une école où les élèves sont avant tout invités à s'exprimer. Oui, c'est pour ça que j'ai voulu faire l'ESAV, sinon je crois que ça m'aurais saoulé très très vite.
Depuis Diabologum, et plus spécialement depuis Programme, comment ton discours est-il accueilli autant auprès des médias qu'auprès du public ? Est-ce que tu as déjà été confronté à des réactions négatives vis à vis de la violence du discours ? Y'a pas mal de gens par rapport à PROGRAMME qui trouvaient ça très prétentieux. Surtout par rapport aux textes, vu que c'est un discours assez tranché. Après c'est toujours pareil, dès que tu commences à tenter d'expliquer la société, on te tombe assez vite sur le râble, tu passes vite pour quelqu'un d'arrogant. Ce sont les seuls retours négatifs que j'ai eu et qui m'ont un peu gonflé, étant donné que je ne me considère pas comme quelqu'un de prétentieux. D'un point de vue extérieur, je comprenais leur réaction. Après tout, quand tu tombes sur un discours comme celui-ci, c'est vrai ça peut t'énerver dans un premier temps. Moi, j'espérais surtout que les gens finiraient par être contents d'avoir étés déstabilisés. On m'a aussi beaucoup dit qu'il n'y avais pas assez d'humour dans PROGRAMME. Trop lourd, trop monolithique. Mais très honnêtement, je n'ai pas l'impression de choisir ce que je fais. Je m'exprime de la manière que je peux, avec ce que je trouve. Et il se trouve que dans l'humour je ne trouve pas grand chose (rires). Ca vient de mes possibilités à moi, je ne peux pas faire non plus ce que je veux. Je ne suis pas un génie qui réussi dans tout les domaines. Je suis la voie à travers laquelle je suis capable de faire quelque chose. L'art a quand même cette chance d'être un langage neutre, où y'a pas de règles, on peux arriver à inventer des choses et c'est en inventant qu'on arrive à participer à nouveau au réel, au présent. La représentation du monde elle est là en permanence, et si on ne s'y colle pas, c'est une autre représentation qui va gagner. Donc les critiques, au fond je m'en fous un peu, car je n'ai pas vraiment le choix de ce que je fais.
Mais autour de toi, par exemple. Avec tes proches. Est-ce que c'est dur d'être l'ami, la petite copine, le père ou la mère de Arnaud Michniak ? (Rires) Y'a des gens dans ma famille qui ne comprennent pas bien ce que je fais, qui me conseillent plutôt d'aller dans une voie plus... vendeuse. Globalement, mes amis comprennent... Sinon ça ne serait peut-être pas mes amis.... C'est un peu compliqué... Y'a ceux qui ont des comptes à régler avec la société, et y'a ceux qui n'en ont pas, qui n'y pensent pas ou qui ont d'autres choses à faire. Ceux qui ont des comptes à régler ça leur parle car ils sentent bien que moi j'en ai aussi. Par contre, les autres se demandent souvent qu'est-ce que j'ai, qu'est-ce qui m'arrive... Et là c'est délicat, tu vas pas te mettre à leur expliquer pourquoi à ton avis ça va pas, ou pourquoi tu as envie de dire ce genre de choses. C'est dur de se justifier. De toutes façons je n'aime pas me justifier...
Tu dois tout de même te justifier sur tes choix de représentation du réel. Oui mais ça reste dans un discours de spécialistes. Ce genre de chose doivent se justifier. Comme on disait tout à l'heure, toute forme d'expression est une forme de lutte, parce que tu proposes un autre rendu du réel. La lutte est donc inévitable. Même pour ceux qui n'en tiennent pas compte, ils participent tout de même à une esthétique, à une façon de dire les choses, donc quelque part ils ont tout de même faits un choix malgré eux. Mais il y a des gens qui n'abordent pas du tout les choses comme ça, tu sors ce genre de truc et on te prend tout de suite pour un intello, on trouve que tu parles beaucoup mais tu ne fais pas grand chose. En dehors de moi, c'est dur de trouver la justification.
Je vois... Tu ES la justification. (La suite demain)
Photo I = Romain Carcanade Photo II et III = Laurent Baillet (laurent.baillet(at)tasteofindie.com), MJC Pichon, Nancy, 2007/04/06.
Et si je te dis que pour moi, tu as réalisé un film sur la "Pornographie du Réel".
Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Je pense à la relation que tu peux avoir avecl'image pornographique, avec cette image censée représenter "l'expérience sexuelle", alors qu'elle ne correspond en rien à l'image que tu t'en fais, à l'expérience telle que tu peux la vivre.En regardant APPELLE CA COMME TU VEUX, j'ai eu cette impression d'ouvrir une fenêtre sur le Réel, et de me rendre compte qu'au fond, la vraie pornographie n'entretient aucun rapport avec ces images crues que tu as produit, mais qu'au contraire, elle EST toute entière ce réel qu'on a tous les jours devant les yeux et qu'on se sait plus regarder.
(photo : Romain Carcanade)
C'était l'envie, ouais, d'essayer de mettre un coup de hache dans la vitrine. Ce qui m'a aidé c'est que j'ai vu des films qui m'ont pas mal conforté dans les choses qui naissaient à ce moment là dans mon esprit. C'était plutôt du cinéma qu'on pourrait qualifier de "pseudo amateur"... Je ne sais même pas si on peut parler de cinéma... C'était plutôt des films exprimants cette idée que le film est plus la trace d'une expérience dans le monde qu'une expérience romanesque en soit. Parmi eux il y a eu les films de JEAN ROUCH, je le cite un peu dans les textes du DVD. JEAN ROUCH n'était pas un cinéaste à la base, mais plutôt un scientifique (un ethnologue, plus précisément, ndlr) qui est partie en Afrique avec une caméra. La caméra lui sert donc vraiment à découvrir quelque chose. Il y a eu aussi les films du GROUPE MEDVEDKINE. C'était un groupe d'ouvriers qui, suite à une rencontre avec CHRIS MARKER, ont réalisés des films avec le matériel qu'il a eu l'intelligence de leur prêter. Pareil, dans ces films là j'ai retrouvé le même rapport que dans les films de ROUCH, où il n'y a pas cette séparation entre la fiction et le documentaire, où l'on assiste à quelque chose construit dans le réel, en même temps que la représentation de ce réel là se construit sous nos yeux.C'est un peu plus futile, mais j'avais aussi vu un film de la série CINEASTES DE NOTRE TEMPS consacré à CASSAVETES qui m'a beaucoup marqué, où il disait "Ce qui compte pour moi ce n'est pas le cinéma, c'est les gens". Et quand on lui demande de définir le cinéma, il répond que "le cinéma c'est un mode de vie". Bref, tout ça m'a conforté dans cette position, d'autant plus qu'à ce moment là, je n'étais absolument pas dans une envie d'exprimer un univers personnel, de créer une esthétique. J'en avais vraiment rien à foutre de ça, j'étais vraiment dans un rapport au monde, à notre époque, où comme tu disais, à la représentation qui préside aujourd'hui de notre époque. Je voulais vraiment faire en sorte de donner une autre représentation du monde qui puisse jurer avec la représentation officielle. D'autres choses t'ont questionné ? Ouais, la Télé Réalité. J'aime beaucoup l'esthétique des castings. Au moment où c'est arrivé sur les écrans, en regardant les castings, j'ai eu l'impression que pour une fois, bien que ce soit très encadré, très manipulé, on était face à une vraie "expression humaine", alors que partout ailleurs, elle était cadenassée. Dans ces séquences, il y avait quelques sursauts, des choses qui se passaient vraiment au moment où on le voit, et en même temps que ça se passe, ça devient une image, quelque chose à regarder.Plein de choses m'ont à cette époque conforté dans mes décisions. Même par rapport à mon expérience de spectateur ! Prenons un exemple : je regarde la télévision et il y a au même moment un bon film et un reportage sur tel événement réel qui passent. Eh bien naturellement, je vais plus avoir envie de regarder le reportage que le film, aussi bon soit-il, car dans le reportage il y a quelque chose qui touche au réel, à notre société, à notre époque. Tout ça me faisait réfléchir, puis j'ai fini par me dire que tout cela était un problème de forme, de mise en forme. Je me suis dit "c'est pas ça qui t'intéresse, c'est pas ça qui va faire que ton film va atteindre ce que tu veux atteindre". Cela ne fonctionnera que si à l'intérieur du film il y a ce réel, et non pas des "effets de réel". A partir de là j'ai commencé à réfléchir en terme de processus, et je me suis dis qu'il fallait que ce film soit une expérience de vie avec un tournage assez long, que c'était le seul moyen pour que le réel apparaisse.
Même dans les documentaires les plus réalistes, ce Réel dont tu parles ne répond pas toujours présent. Tu vois, ça c'est un truc qui me bloquait vachement : la place du sujet dans le documentaire.Je pense qu'il ne devrait pas y avoir de sujet dans les documentaires. Pour être Réel, il ne faut pas qu'il y ait de sujet. A partir du moment où il y a un sujet, tu commence à rentrer dans des modalités d'interprétations, de décompositions de ce sujet.Ma réflexion elle était vachement la dessus, sur l'emploi de la caméra et la représentation. Donc ton truc sur "La pornographie du réel", c'est ta façon de le dire, mais c'était vraiment mon questionnement. Par la suite, j'ai trouvé cet argument scénaristique du vol de la caméra et je me suis dis que j'avais trouvé le bon truc. C'était suffisamment large, et puis il y avait cette idée de la réappropriation. Ca représentait pour moi cette envie de créer une nouvelle image, une nouvelle représentation de ce réel. Ca me permettait aussi de faire un film amateur, qui ne rentre pas dans ces codes d'interprétations.Beaucoup plus qu'en musique, le cinéma est hyper quadrillé, toutes les interprétations sont très huilées, c'est toujours les mêmes termes qui reviennent, la mise en abîme de ceci, de cela, on est face à des mécanismes. Et de la même manière que le réel n'est pas dans les films, le réel n'y est pas non plus dans les conversations et les interprétations qu'on donne des films, c'est juste du brodage. Il y avait donc aussi cette idée de faire un film où l'on ne puisse pas recaser aussi facilement ces interprétations, ces façons d'en parler. La façon dont on représente le monde ça devient le monde, la façon dont on parle le monde ça devient le monde, donc c'est hyper important. Le monde évolue en même temps que sa représentation, et comme la représentation est hyper présente à cause des médias, d'internet et toutes ces choses là, tout ça nous échappe. On est en permanence pris par un langage qui renomme la réalité sans que nous puissions dire quelque chose.Enfin, tu vois, c'est un peu la somme de toutes ces réflexions qui sont à l'origine du projet.
(La suite... mardi ! Eh ouais, les bloggers aussi ont le droit de partir en week-end)
Interviewer ARNAUD MICHNIAK est un vieux projet que je traîne dans mon baise-en-ville mental depuis des années. Aujourd'hui, jeudi 19 juillet 2007, c'est chose faite.
En réalisant cette interview, devant la disponibilité du bonhomme et la clairvoyance de ses réponses, je me suis demandé pourquoi j'ai tant de fois repoussé l'échéance. J'ai bien mes réponses, mais elles sont inintéressantes. Les siennes, par contre...
Après la fin de PROGRAMME, j'étais persuadé que tu reviendrais, non pas avec un film, ni même avec un disque, mais avec un roman.
N'as-tu jamais été tenté par l'expérience littéraire ?
Si, ça m'a tenté, mais je me suis dit que tant que j'avais l'énergie, il valait mieux la dépenser à faire des films. Je garde cette option pour le moment où je serais devenu misanthrope et que je ne voudrais plus voir personne (rires). J'y ai pensé, ouais, mais je me suis dit qu'il fallait que je dépense un peu plus d'énergie, que j'aille encore plus à la rencontre du monde. J'ai écris un peu pour le scénario, mais ce n'étais pas des choses sur lesquelles je pouvais embrayer. Des fois, je me dis aussi que je devrais écrire des choses un peu plus éditoriales, des articles, des choses comme ça, mais je n'ai jamais commencé les exercices d'écriture quotidienne. J'y pense. Je crois que je vais commencer à m'y mettre.
Avant la sortie de APPELLE CA COMME TU VEUX en DVD, quelle avait été la vie du film ? J'avais diffusé le film une fois à Toulouse, surtout pour les gens qui l'avaient faits, ensuite je l'ai envoyé à pas mal de festivals en France, les gros festivals habituels sélectionnant des courts-métrages. Le film n'a pas eu de vie, étant donné qu'il n'a été pris nulle part.
L'éternel problème des festivals qui sélectionnent d'après le format du film... Oui, ils prennent surtout des films en 35mm. Déjà avec du 16mm, c'est pas évident d'être pris. La vidéo encore moins, ce qui est vraiment dommage, étant donné que c'est l'outil le plus démocratique qui existe aujourd'hui sur le marché, dans le sens où tu peux toujours te démerder pour réaliser un film pour pas trop cher. Le 35mm ça implique de gros budgets, une recherche de financement, donc un certains type de pensée, une certaine présentation. Y'a toujours une corrélation entre "comment tu finances quelque chose" et "comment ce quelque chose va être", même si tu le perçois jamais sur le moment. Bref, tout cela est un peu catastrophique. Je me permet de le dire car je connais pas mal de gens qui font des films, pas forcément dans la même lignée que moi, certains font des choses parfois même plus classiques, et tout le monde tient le même discours : tu es sélectionné sur le support, si y'a des gens qui ont mis de l'argent dessus, sur des thèmes, sur des façons de les traiter, la plupart du temps très consensuelles. J'ai un ami qui a récemment envoyé son film dans des festivals, il a eu 0% de réussite en France et il a été pris dans quasiment tout les festivals étrangers. C'est un exemple extrême, mais il est significatif.
Ouais, j'ai les mêmes retours de mon côté de la part des gens que je connais qui réalisent des trucs. Ouais, d'autant plus que la vidéo n'est carrément pas considérée comme du cinéma. Moi-même je ne considère pas que je fais du cinéma. Je fais "du film". Je ne pense pas du tout en terme de cinéma. Je pense plutôt en terme de caméra. J'aime beaucoup les films de cinéma, mais moi, c'est pas ça que je fais.
Justement, parlons-en, es-tu rentré à l'ESAV (l'école supérieur de l'audiovisuel de Toulouse, ndr) par amour du cinéma, ou bien y es-tu rentré avec à l'esprit le simple désir de réaliser des films, de manière brute, comme ça, débarrassé de cette "passion cinéphilique", très souvent présente chez les étudiants en cinéma mais qui finit souvent par les impressionner, par les paralyser. Non, j'y suis rentré avec un projet bien précis en tête. A l'arrêt de PROGRAMME, je ne me sentais pas de reprendre l'écriture, de refaire des chansons. J'avais besoin de me mettre en danger, un peu, j'avais l'impression de rentrer dans une espèce de routine, un truc que je maîtrisais déjà. Au départ je pensais faire un journal "audio" collectif. Je voulais absolument faire un truc collectif. Pour moi, la prochaine étape me semblait vraiment d'aller vers la société, de mener une action au réel, et que cette action au réel pourrait être un document. Comme je maîtrisais pas mal le son, j'ai d'abord pensé que ça pourrais être un journal audio. Et puis j'avais envie que les gens parlent, j'avais l'impression que toute une partie de gens qu'il y avait autour de moi n'avaient pas la parole, ni dans des films, ni dans les médias, et ça me semblait intéressant qu'ils l'aient, puisque c'étaient des gens en marge, des gens qui ne voient pas la société telle qu'on la présente habituellement de manière assez unilatérale. A ce moment là, c'est un peu le hasard, j'avais une copine qui faisait l'ESAV. J'y suis donc allé, j'ai vu que c'était une école assez libre, ce qui me correspondais bien, étant donné que je n'étais pas du tout porté sur les écoles, et encore moins sur les écoles d'art. L'ESAV est plutôt une école qui parle de l'outil, il y a des rapports très simples entre les profs et les élèves, il n'y a pas ce rapport d'autorité qui me gêne assez vite. Et en voyant le parcours de ma copine, l'ambiance qu'il y avait, j'ai pensé que je m'y sentirais bien. Du coup, j'ai décidé de transformer ce projet collectif "audio" en un film. J'ai fais quelques courts-métrages, et petit à petit ma lignée s'est dessinée assez clairement, preuve que j'avais tout de même pas mal réfléchi avant. J'ai vu que déjà, le problème entre documentaire et fiction n'était vraiment pas mon problème, qu'il n'y avait pas vraiment de séparation à faire, que je voulais être dans quelque chose de collectif, que je ne voulais pas qu'il y ai un héros, une histoire. Mon envie n'étais donc pas une "envie de cinéma", de créer une ambiance, de raconter une histoire, ou de creuser la psychologie d'un personnage. Je me suis rendu compte que j'étais dans un rapport un peu plus frontal, où il s'agit de capter du réel, de l'organiser.
Découverte de l'écrivain américain DON DELILLO. Débuté par l'un de ses plus récent roman, COSMOPOLIS, récit initiatique d'un jeune yuppie prenant conscience, pris au piège d'un embouteillage monstre dans sa limousine au coeur de Manhattan, de l'abération de son être au monde.
L'interview de DON DELILLO que Jean-Baptiste Thoret avait réalisé pour la revue de cinéma PANIC m'avait déjà mis sur les rails. J'avais trouvé les propos de cet écrivain relativement visionnaires et terriblement lucides, proposant une vision de la société américaine très réfléchie, riche de théories à la fois très pointues mais aussi fort maléables pour le lecteur. La lecture de ce roman confirme mes intuitions : DON DELILLO possède un style vraiment à lui, pas facile à décrire (vu la place dont je dispose ici, je ne m'y risquerais pas, sachant de toutes façons que le mieux serait d'en faire soit-même l'expérience), au service d'un regard neuf et sagace sur l'occident.
Bref, plus qu'une oeuvre romanesque, un guide de décryptage du monde. Quel plaisir de savoir qu'il me reste 14 de ses livres à découvrir.
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- Tu sais ce que produit le capitalisme. D'après Marx et Hegel ? - Ses propres fossoyeurs, dit-il - Mais là, ce ne sont pas les fossoyeurs. C'est le libre marché lui-même. Ces gens sont un fantasme crée par le marché. Ils n'existent pas en dehors du marché. Il n'y a nulle part où ils puissent aller pour être en dehors. Il n'y a pas de dehors.
La caméra suivait le flic qui pourchassait un jeune homme dans la foule, image qui semblait confusément exister à distance de l'instant.
- La culture de marché est totale. Elle produit ces hommes et ces femmes. Ils sont nécessaires au système qu'ils méprisent. Ils lui procurent énergie et définition. Ils ont motivés par le marché. Ils s'échangent sur les marchés mondiaux. C'est pour ça qu'ils existent, pour vivifier et perpétuer le système.
Il regardait la vodka tanguer dans son verre, tandis que la voiture tanguait d'avant en arrière. Il y avait des gens qui frappaient sur les vitres et sur la carrosserie. Il vit Torval et les gardes du corps les balayer du capot. Il songea un bref instant à la cloison derrière le chauffeur. C'était un cadre en cèdre renfermant l'incrustation d'un fragment d'écriture ornementale coufique sur parchemin, fin du Xe siècle, Bagdad, sans prix.
- Il faut que tu comprennes. Il dit : Quoi ? - Plus l'idée est visionnaire, plus elle laisse des gens en arrière. C'est tout le sujet de cette manifestation. Les visions de la technologie et de richesse. La force du cybercapital qui enverra les gens vomir et mourir dans le caniveau. Quelle est la faille de la rationalité humaine ? Il dit : Quoi ? - Elle fait semblant de ne pas voir l'horreur et la mort au bout des schémas qu'elle construit. Ceci, c'est une manifestation contre le futur. Ils veulent bloquer le futur. Ils veulent le normaliser, l'empêcher d'engloutir le présent.Des voitures brûlaient dans la rue, du métal sifflait et crachait, et, dans les nappes de fumée, des figures abasourdies erraient au ralenti parmi les masses de véhicules et de corps, et partout d'autres couraient, et il y avait un flic à terre, en genuflexion, devant un établissement de fast-food.
- Le futur est toujours totalité, uniformité. On y est tous grands et heureux, dit-elle. C'est pourquoi le futur échoue. Il échoue toujours. Il ne peut jamais être le lieu de ce bonheur cruel que nous voulons en faire. (p. 102/103)
BRAZO NEGRO vient de terminer la tirage d'une planche "expérimentale" de stickers (entendez par là qu'il fait des essais de tirages, de couleurs, de trames, pas que les stickers sont visuellement expérimentaux), parmis eux se trouvent deux stickers BLACK CAT BONES. Je devrais les avoir entre les mains en fin de semaine, si vous désirez en recevoir, envoyez-nous une petite enveloppe timbrée et le tour est joué !
Humm... Pour la définir de manière quelconque… C’est l’état de vivre de cette ville (en général valable pour toute l’Amérique Latine), un peu de désordre politique, les épidémies, la crise économique, toutes ces choses négatives à première vue mais qui d’une certaine manière te maintiennent éveillé et en mouvement. C’est ce qui est bon pour la création, pour ne pas s’ennuyer, pour garder les pieds sur Terre.
UN MAGAZINE ALLEMAND A RECEMMENT DECLARE QUE LE MEXIQUE ETAIT DE PLUS EN PLUS REPRESENTE SUR LE PLAN ARTISTIQUE. ES-TU D'ACCORD AVEC CETTE AFFIRMATION ? C’est possible pour plusieurs raisons. L’Europe aujourd’hui se tourne vers l’Amérique Latine et le Mexique en particulier. Peut-être que c’est un phénomène de mode, peut-être pas. De toute façon peu m’importe, je n’ai jamais fait mon travail pour qu’il paraisse exotique en Europe ou aux Etats-Unis, c’est probable que certains aient essayé de profiter de ce moment pour montrer leur « Latinalidad ». Ce n’est pas mon cas, j’ai toujours voulu être honnête avec ce que je faisais et je l’ai toujours fait sans me soucier des modes et des tendances.
QUEL EST TON FILM DE SANTO PREFERE ? Santo contre les Martiens.
TU AS TRAVAILLE AVEC LES LOST ACAPULCO, COMMENT S'EST PASSE CETTE COLLABORATION AVEC EUX ? J’ai commencé à travailler avec eux dès leur premier disque, c’était juste quand je m’installais à Mexico. C’est un peu par hasard que nous nous sommes connus et nous continuons à travailler ensembles depuis ce jour. C’est super de travailler avec eux. J’ai commencé à me faire un nom et maintenant ils me donnent simplement leurs disques pour que je leur propose un Artwork. Nous avons plus une relation d’amis, de ce fait avec « El Reverendo » (guitariste des Lost Acapulco) nous nous sommes associés depuis quelques années pour créer notre propre label Isotonic Records (http://www.isotonic.8m.com).
QUE VEUX-TU QUE LES GENS DISENT DE TOI DANS 40 ANS ? COMMENT QUALIFIE-TU TON ART ? En fait je m’en fous de ce que je serai dans 40 ans, j’essaie de bien m’éclater au présent et je n’essaie pas non plus de qualifier ce que je fais. J’essaie simplement de donner le meilleur de moi et d’être satisfait avec ce que je fais (même si parfois je me trouve un peu exigent).
PEUX-TU NOUS EN DIRE UN PEU PLUS SUR TES PROJETS D'ANIMATION, D'ILLUSTRATIONS ?Continuer à aller de l’avant avec Isotonic Records, en ce moment nous sortons notre troisième disque (Instro Latin-o-Rama) et nous avons pensé à deux nouvelles compilations (une Western Spaghetti et une autre Tiki) pour cette année. Je suis en train de préparer un livre sur mon travail sinon... Mais c’est encore quelque chose en projet et je ne préfère pas m’avancer trop la dessus. J’espère avoir plus de précisions sur ce projet avant la fin de l’année.
Tiré du fanzine ARCHIERPOINTCOM (et retranscrite ici avec leur accord, merci Raphael)
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Artwork retron typographies kitsch, animation Flash délirantes, publicité, illustrations, Dr. Alderete sait tout faire, et avec talent !Cet illustrateur né en Argentine nous raconte ses débuts, comment et pourquoi il a décidé de devenir ce qu'il est aujourd'hui. Dossier Lucha Libre oblige, il est également le créateur de nombreuses illustrations mettant en scène ces catcheurs, le tout arrosé de rock / garage, de cocktails et de tikis ! Kustom Kultures !!
DR. ALDERETE, PEUX-TU TE PRESENTER ? NOUS DIRE POURQUOI TU AS VOYAGE D'ARGENTINE JUSQU'AU MEXIQUE, ET AUJOURD'HUI EN ESPAGNE OU TU RESIDES ACTUELLEMENT ?En vérité, je suis retourné vivre au Mexique, je ne suis resté en Espagne qu'un an seulement. Ce n'était pas très compliqué, grâce à internet je pouvais envoyer mon travail de n'importe quel endroit du monde, c'est pourquoi ça m'a permis de bouger de bouger sans soucis.Je suis né en Argentine, et suis allé vivre au Mexique en 1998, ensuite en Espagne, et maintenant encore au Mexique. En Argentine, j'ai commencé par étudier le design en communication visuelle.
LA MUSIQUE SUR TON SITE INTERNET (RUBRIQUE "SHOP"), C'EST BIEN THE MARKETS : "OUT OF LIMITS" ? Oui, mais en réalité c'est une version de "Out of limits" de LOS VENTURES.
TU ES TRES POLYVALENT : TU ILLUSTRES, FAIS DES ANIMATIONS FLASHS, DE LA TYPOGRAPHIE... QUE PREFERES-TU PARMIS TOUTES CES ACTIVITES ? Un peu de tout, c'est vrai, seon le moment. C'est bien d'être toujours en mouvement et de rechercher de nouveaux défis. Chaque fois que je commence quelque chose, je ne m'imagine jamais le plaisir que j'aurais à faire toute une famille de typographies, mais en réalité ça me plait autant que de faire une illustration.
TU AS TRAVAILLE POUR BEAUCOUP DE GENS DIFFERENTS (ET PARFOIS SURPRENANTS), DES GROUPES DE ROCK, MTV, MUNDONICK, ZONASTE... COMMENT CHOISIS-TU TES PROJETS ? A la base, envers ce qui se présentait, je ne pouvais pas me montrer très exigeant. J'ai actuellement l'occasion de choisir et je le fais, et je crois que je choisis les projets dans lequels je peux m'amuser, m'impliquer, et croire surtout. J'essaie surtout d'être honnête avec mon travail.
PARLONS DES CHOSES QUI T'INSPIRENT. En général, la culture Pop m'inspire beaucoup, la culture Tiki, les films de SF des années 50, les films de catcheurs Mexicains, la culture Trash... Tout ce qui est particulier m'inspire déjà beaucoup : le lieu où je vis, les gens, les histoires quotidiennes et étranges que tu peux trouver dans cette ville. EST-CE QUE LA MUSIQUE T'INSPIRE AUSSI ? QUELS GROUPES ? J'aime beacoup la musique Surf, le Rockabilly, Psychobilly, la musique Lounge, le Rock'nRoll des 50's. Les groupes comme The Straightjackets, The Cramps, Lost Acapulso, Tiki Tones, The Meteors, Dick Dale, pour en nommer seulement certains. La Musique a toujours été une grande influence sur mon travail. (La suite demain)
Vu hier soir le film de ArnaudMichniak, APPELLE CA COMME TU VEUX, édité en DVD par MathieuCopelandet distribué par le label ICI D'AILLEURS. Une véritable petite secousse pour ma part. De celle dont on se remet lentement et qui change à jamais un petit quelque chose en vous. Un petit quelque chose qui commence déjà à tracer sa propre ligne de fuite.
Une première pensée juste après le visionnage de ce DVD : Ce film est le film que j'aurais dû avoir l'idée de faire. Ce film est à l'image de l'échec de mes tentatives de réaliser quelques 'courts' en vidéo. Ce film possède une vitalité que j'aurais aimé atteindre. Michniak a réussi presque du premier coup ce que je n'ai pas encore réussi (ou ne réussirais jamais, étant donné que je n'ai pas donné suite) : passer outre le jugement des autres, passer outre les conventions cinématographiques, traduire l'urgence de vivre et son désoeuvrement par des images montées faisant sens. Capturer la vie, la vraie. Comme lors de l'écoute des disques du même Michniak, comme lors de la lecture d'un bouquin de PhilippeMuray, ce film synthétise partiellement des choses que j'avais en tête, des non-dits, des impressions, des pressentiments. Et vous savez à quel point il est troublant d'entendre des gens dire des choses que vous aviez en tête depuis toujours mais que vous n'aviez jamais réussis à verbaliser.
Peut-être est-ce là le sens du mot "Oeuvre d'Art" ? Pétrir le chaos pour en faire surgir une forme, une pensée. Faire que cette forme révèle une vérité ordinairement hors de portée, confuse, codée.
En vue d'un article que je vais soumettre à la rédaction du quotidien Suisse LE COURRIER, j'ai décidé de mettre ici à plat quelques idées que je compte développer par la suite :
** Utilisation par l'auteur de l'outil vidéo, utilisation qui fait vraiment sens, qui colle à la peau des considérations sociales du film : une esthétique pauvre pour un film fait par des pauvres, parlant de la condition des pauvres (une démarche esthétique assez proche de ce que peux faire TERRENOIRE dans le milieu de l'édition). Faire un film social sans faire du "cinéma politique", du "cinéma engagé" tel qu'on se le figure habituellement, tel que les médias nous en façonnnent l'image.
** Forme brute de décoffrage : un discours tout juste articulé, une succession de plans à priori sans queue ni tête, un brouillage volontaire entre fiction et documentaire. Un propos et un montage d'une étonnante violence (violence que l'on pourrait qualifier de "pornographie du réel", une image du monde aussi absurde que l'image d'une queue pilonnant continûment un vagin). Pas de blabla inutile, pas de psychologie, de sociologie, juste un zest de théories, de pensées fugaces, des fragments de situations, des rencontres. Bref, presque une nouvelle forme de discours en soit.
** Propos ambitieux : évoquer le désoeuvrement des citoyens du monde occidental, la misère sociale des privilégiés, la perte de sens du monde, son incapacité à nous inspirer de nouvelles fictions. Ou alors sa capacité à transformer notre monde en une fiction totale ("La méthode la plus prudente et la plus efficace pour affronter le monde qui nous entoure est de considérer qu'il s'agit d'une fiction absolue" J.G. Ballard).
** Réussir à rendre presque acceptable cette idée post-moderne (si présente dans l'histoire de l'Art Contemporain") que me dérange tant : cette idée que "les catégories ne tiennent plus", que "l'histoire de l'art ne t'impressionne plus parce que tu as compris qu'elle était ce présent mort de catégories" (ArnaudMichniak)
Seul point négatif et non négligeable : Si le film atteint parfaitement son but dans sa première partie, si l'articulation des images y est particulièrement inspirée, frontale, pleine de sens, la seconde partie du film est tout de même bien moins intéressante. Largement en dessous de la première. Plus sage, moins urgente. Dommage. Finalement, APPELLE CA COMME TU VEUX vaut surtout pour sa première partie, une quarantaine de minutes qui défouraillent sec. Michniak explore une singulière "manière d'être au monde" (c'est ma définition préférée du cinéma : formuler des "manières d'être au monde"), à la fois terriblement pessimiste mais profondément vitaliste. Bref, ce qu'on appelle plus communément l'énergie du désespoir !
"Parcequ'il faut revenir vers la vie, car c'est la vie qui est en voie de disparition (...) la puissance créatrice sommeille partout tandis que l'art n'est qu'une classification supplémentaire" (ArnaudMichniak)
Y'a pas, ce film vaut vraiment le détour. Dispo (entre autre) ICI.
Après m'être bouffé en moins de deux semaines les 3 premières saisons de THE SHIELD, j'ai été pris ces derniers jours d'une boulimie de pelloche. Investir son temps dans une série ne va jamais sans mauvaise conscience. Dans mon rapport aux images, ma culpabilité est celle du garçon qui passe une partie de son temps à regarder des "produits télévisuels" (sur internet, j'entends, ne parlons même pas d'allumer sa télé) sachant qu'au même moment il pourrait être en train de regarder des choses bien meilleures : Des films. Des bons. La qualité des séries produites depuis 4/5 ans tempèrent un peu cette sensation, malgré tout elle ne disparait jamais complètement. Pour cette période post-THE SHIELD, je n'ai pour la première fois pas eu trop besoin de me poser la question, ce "désir de films" s'est manifesté tout seul.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ESCAPE FROM NEW YORK - John Carpenter (1981)
JOURNAL D'UN CURE DE CAMPAGNE - Robert Bresson (1951)
Par la même occasion, redécouverte de films que je n'avais revu depuis leur sortie (1992 & 1996). Le point commun de ces deux films : leur utilisation excessive d'effets spéciaux numériques alors encore au stade expérimental et d'une laideur véritablement repoussante. A vous en gâcher le film. C'est intéressant de voir à quel point en 10/15 ans, nos yeux ne sont habitués petit à petit à l'accroissement de la qualité des effets spéciaux (avec comme apogée, les images numériques des FILS DE L'HOMME, d'un naturel confondant), à tel point que lorsqu'on revient en arrière, on s'apperçois qu'on ne s'est même pas rendu compte du glissement. Les films des 90's sont probablement ceux qui vieilliront le plus mal.
Reçu cette semaine les posters de TYLER STOUT que j'ai commandé le mois dernier sur son site. Pour ceux qui ont vus notre expo "SOUS LE SIGNE DU B", vous vous souvenez sûrement de l'affiche "THE ALAMO" que Tyler a réalisé en 2006 pour un festival organisé par le cinéma Texan THE ALAMO DRAFTHOUSE.
A ce moment là j'étais persuadé qu'une grande partie de ses réalisations étaient sold out depuis un bail... Puis en visitant son site, je me suis aperçu que les plus belles de ses affiches étaient encore disponibles. Je me suis donc empressé d'en commander une série afin d'alimenter ma collection personnelle, donc une prochaine exposition.
Le mannequin sur ces photos n'est autre que Jorge, mon petit cousin Mexicain en vacances chez nous cet été. Gracias por tu ayuda Jorgito !
Bon, finalement, j'ai pas eu le cadeau sacrificiel que je voulais, mais j'ai quand même eu un magnifique cadeau : un livre nommé EL FUTURO MAS ACA : CINE MEXICANO DE CIENCIA FICCION, retraçant comme son titre l'indique plus de 70 ans de production SF Mexicaine ! Une ouvrage bilingue (Anglais/Espagnol) bourré de textes, d'études et de photos d'exploitation. Une sacrée mine d'or ! Merci à vous, Pola, Patricia et Alfredo.
LE CHIFFRE DE LA BÊTE ! Aujourd'hui, le 07/07/2007, j'ai 33 ans. Qu'est-ce que je voudrais comme cadeau ? Hummmm... Qu'on m'apporte la tête de CAUET sur un plateau, tiens !