On aura tout dit ou presque sur Maurice Dantec. Tout et surtout son contraire. Gourou apocalyptique, prophète de malheur, écrivain illisible, romancier "qui pense trop", génie visionnaire, scribouillard réactionnaire, pape du néo-polar, auteur mystique, free-fighter des lettres, enfant du rock devenu enfant terrible de la littérature. Autant de formules journalistiques creuses qui peinent à capturer la complexité de cet écrivain hors-normes maitrisant aussi bien la théologie de Saint Thomas d'Aquin que les lyrics d'Iggy Pop, laissant les riffs du Blue Oyster Cult éclairer ses lectures de Joseph de Maistre, capable de citer Saint-Luc juste avant de digresser sur John Lydon.
Enfant du XXème siècle et de la bombe atomique, héritier des camps et de la Pop culture, et si Maurice Dantec n'était finalement rien d'autre qu'un écrivain qui fait son boulot : celui de prendre en charge les grandes questions que son époque lui a legué. Celui de tenter d'articuler des réponses aux insolubles questions que nous pose le siècle passé, et de répondre aux défis de celui qui s'ouvre à nous.
Par delà le bien et le mal, rencontre avec l'auteur de Metacortex, son dernier pavé sorti chez Albin Michel.
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L'écrivain  rock'n'roll. C'est presque un cliché. Pourtant, si on y regarde  bien, peu  d'écrivains français ont su faire de la littérature avec cet héritage  électrique  qu'on leur a légué. On a toujours beaucoup écris sur le  rock'n'Roll,  mais peu de romanciers ont su écrire avec le rock'n'roll. Votre   littérature à vous est indissociable du rock'n'roll. De l'influence du  rock  psyche et du glam sur vos jeunes années à votre parcours en tant que  musicien en  passant par votre curiosité toujours vive pour ce que continue de  produire cette  musique à l'aube du XXIème siècle, est-il sérieux de dire que votre  verbe a été  forgé dans la musique électrique ?
C’est  extrêmement sérieux en effet. Vous citez le rock psychédélique des  années 60, le  glam-rock des early 70s, il ne faut pas oublier Bowie, Iggy, Lou Reed,  Roxy  Music, Eno, la demi-décennie punk/new-cold-wave (76/77-82/83), la  transmutation  fondamentale SexPistols/PIL, Joy Division,  mais aussi les  formes  originelles du hip-hop (electrofunk new-yorkais, gogo-music de  Washington DC),  l’électro-industriel allemand, belge ou britannique, le mouvement techno  de  Detroit (Kraftwerk mixé avec le funk de Motor-City), l’aventure  Hacienda,  Happy  Mondays, Stone Roses, etc, des groupes  majeurs   comme U2, Nine Inch Nails, ou Prodigy. Je ne cherche pas à « être au  courant »,  c’est le courant qui cherche à être en moi, bref, le rock à joué en ce  qui me  concerne le rôle que le « polar » a je pense joué pour Manchette :  l’expression  artistique fondamentale du XXe siècle, c’est à dire celui de   l’arraisonnement de l’Homme par la Technique-Monde.
On pourrait  rajouter néanmoins d’autres éléments clés :`
- la  musique « classique » russe, il conviendrait mieux de dire « romantique »  ou «  post-romantique », ainsi que Mahler, et Beethoven.
- Des  musiciens « contemporains » aussi différents que Debussy, Bartok,  Messiaen,  Ligeti.
- La  musique « répétitive » : Terry Riley, La Monte Young, Steve Reich,  Philip  Glass.
- La  musique du « Grand siècle baroque », selon moi 1650-1750 : Bach,  Pergolèse,  Haendel, et jusqu’à Mozart.
- La musique populaire celtique (j’y inclus certaines formes de country-music américaine).
- Vous avez  fait partie du groupe État d'Urgence (plus tard rebaptisé Artefact)  entre 1977  et 1980.  Un autre écrivain (qui est aussi devenu cinéaste)  a  également traversé ces années dans le même milieu. Je pense à F.J.  Ossang, qui a  marqué la scène post-punk avec son groupe MKB-Fraction Provisoire.  Souvent  associée au Rock Alternatif naissant, leur musique était pourtant très  proche de  vos centres d'intérêt de l'époque (même goûts pour la musique  industrielle à la  Throbbing Gristle et la littérature anglo-saxonne des  Ballard/Burrough).
J'ai connu  MKB-Fraction Provisoire au tournant de la décennie 70/80, après le split   d'Artefact en tout cas. Je me souviens les avoir vu sur scène, mais avec   d'autres groupes, un festival peut-être, je ne me souviens plus des  circonstances exactes. J'avais noté la proximité de certaines  influences, mais  musicalement je m'éloignais déjà de cette scène post-punk alternative,  je  n'écoutais plus que de la cold wave, et les prototypes electro-indus.  J'ignorais  qu'Ossang faisait partie de ce groupe.
En  parlant de scène post-punk française dans American Black Box, vous dites  "Au  début des années 80, on pressent que bientôt nous aurons le choix entre  les  Béruriers Noirs et Indochine". Votre génération n'aura donc jamais  pu  concrétiser le projet que chérissait Yves Adrien d'inventer le "Rock  Nucléaire  des années 80", mission qu'ont en revanche très bien remplis les anglais  (PIL,  Throbbing Gristle), les Allemands (Einstürzende Neubauten) et les  Américains  (Suicide). Qu'est-ce qui selon vous a foiré en France ?Comme d’habitude. Les Français.
Métal  Urbain, sans doute, pour commencer. Inventeurs avant tout le monde  (76-77) de  l’électropunk.
Kas  Product, qui furent d’une certaine manière leurs successeurs au début  des années  80.
Des groupes comme The Dogs. Electric Callas. Marquis de Sade. Je pense aussi à toute une micro-scène proto-electro qui tournait à Poissy sous le nom d’Usinor-Dunkerque, puis des Officiels, puis Century Boys, dont est sorti quelqu’un comme Claude Arto (Mathématiques Modernes), ou « Pat » et « Robert » qui donnèrent leurs noms à l’album des Rita Mitsouko. Que je peux sans problème ajouter à cette liste non exhaustive. Tout comme Alain Bashung, qui reste une singularité, comparable à Gainsbourg. Je n’ai pas très bien suivi ce qu’il a fait par la suite, un peu quand même, mais ce que produisit Daniel Darc avec Mirwais au cours des années 80 était franchement salvateur. Pour terminer, il existe un groupe qui est obscurci par la « renommée » - toute relative - d’Artefact. Je veux parler d’un projet que le groupe a conduit avec le chanteur Gregory Davidow, sous le nom de Spions Inc puis « The Party », avec la participation de Claude Arto, et qui se situe selon moi un cran au-dessus de ce qu’Artefact avait produit de son côté à la même époque.
Dans  American Black Box vous évoquez à de nombreuses reprises Yves Adrien.  Pourquoi à  votre avis la scène Rock en France a donné aussi peu d'authentiques  écrivains,  juste des écrivaillons de la veine de Virginie Despentes ?Pour les mêmes raisons que soulève votre question concernant la non-survie du rock français comme entité singulière à partir du milieu des années 80. L’esthétique de dandys atomiques des fulgurances initiales a été transformée en une panoplie « destroy » anarcho-misérabiliste qui ne pouvait conduire qu’à la bennes à ordures, en effet.
Il n’y a rien à en PENSER. Je ne «suis » ni de près, ni de loin, une « presse rock » qui ne traite de la littérature que dans une rubrique à part.
Un album est en cours de mixage. Le second est déjà prêt à être enregistré.
"La  beauté c'est ce qui en ce monde n'est pas de ce monde" (American  Black  Box). Dans vos romans, seuls les femmes, les paysages et les phénomènes  naturels  (les aurores boréales, pour ne citer qu'elles) sont les agents de cette  grâce.  Si cette beauté que vous évoquez fréquemment dans vos livres s'est  incarnée au  cours du XXème siècle dans un disque de votre collection, lequel  serait-il  ?
Non. Je suis prêt à éradiquer toute une ville pour sauver l’intégralité de ma bibliothèque. Je peux faire quelques concessions pour mes disques. Mais pour ne m’en faire conserver qu’un seul, je vous conseille l’usage d’armements non conventionnels.
Que vous  inspire en tant que catholique les pétitions que certains groupes  religieux font  circuler contre certains festivals de rock ou de métal, considérés comme   "sataniques" ?
Ils  feraient mieux de s’occuper des vrais agents de la régression  satanique/matérialiste, dont certains œuvrent désormais au sein même de   l’Église.
Dans vos  fictions comme dans vos trois TdO, la musique tient toujours une place  très  importante. On a même l'impression à vous lire que chaque livre possède  sa  propre playlist. Certains titres jouent même un rôle très importants  dans la  narration en elle-même. Quel rôle dynamique joue le rock sur l'écriture  en  elle-même ?Le rock s’inscrit naturellement dans l’ensemble des autres influences musicales, je peux sans problème passer de Ligeti à Renegade Soundwave, de Stravinsky à Bob Dylan, puis de Suicide à Pergolèse. Les « play-lists » sont facultatives, et provisoires, sans compter qu’elles évoluent avec le temps, il m’arrive d’écrire dans le plus total silence, voire avec CNN dans le fond, comme c’est le cas à présent.
Vous  souvenez-vous précisément quelle a été votre playlist lors de l'écriture  de  Metacortex ?
Oui, je l’ai fournie à l’Association des Lecteurs. Une trentaine de titres, mais en prenant en compte son évolution dans le temps (ndr : en gros on y trouve entre autre Archive, Blue Öyster Cult, Brian Eno & Boards of Canada, Depeche Mode, Suicide, T-Rex, Youth Engine Records, The Who, The The, Hooverphonic, John Carpenter, Gary Numan, Front Line Assembly, Foo Fighters, Sisters Of Mercy)
Écoutez-vous systématiquement de la musique quand vous écrivez ? Si oui,  comment  gérez-vous votre playlist par rapport aux différents stades d'écriture  du livre  ? L'écriture d'un livre comme Metacortex a dû se dérouler sur plus d'un  an, dans  ces conditions j'imagine qu'une playlist-type doit considérablement  bouger  durant cette période.
Concernant  la première question, je vous réponds un peu plus haut.
Un noyau de base reste en place, généralement, puis la playlist se développe avec l’écriture, et enfin une sélection s’opère d’elle-même, je termine généralement avec un noyau dur à la fin, qui peut être le même que celui du départ ou tout autre chose. Il n’y a aucune règle pré-établie.
Dans une  interview réalisée six mois avant la sortie de Metacortex, vous aviez  parlé de  l'influence qu'avait pu avoir l'album "Tyranny and Mutation" de Blue  Öyster Cult  sur l'écriture du roman. Pourtant à la lecture du livre, on ne retrouve  aucune  référence directe à ce disque. L'influence de ce disque a donc du  travailler  dans l'ombre. Pourriez-vous nous expliquer de quelle manière ?
Rapport Politique/Culture, Rouge/Noir, Méthédrine/Quaalude, Science/Fiction, Cube-Monde/Métacortex. J’ai bien expliqué ? (rires)
Le livre  s'ouvre sur une citation tirée d'une chanson de Dead Or Alive (non :  ABC), puis  sur une autre de Joseph de Maistre. Dans American Black Box, vous dites "Il   n'y a aujourd'hui rien de plus conservateur qu'un groupe de Rock-music".  Le  rock est-il pour vous une forme de réaction contre le monde moderne,  comme  Maistre a pu être lui-même une réaction aux idéologies progressistes du  XVIIIème  siècle ?Cette confusion est de ma faute. Je n’utilisais pas le terme « conservateur » dans le sens où vous l’avez compris, son sens original, « contre-révolutionnaire », j’ai usé du sens qu’il a pris aujourd’hui, à savoir que des groupes comme Metallica (qui est celui que je prenais en exemple, je crois) se contentent de répéter les sempiternels mêmes riffs « métal », avec les postures-clichés qui vont de pair, et les textes niveau secondaire qui les « accompagnent ».
On a  tendance, encore aujourd'hui, à considérer le rock comme une musique  subversive,  pourtant cela fait bien longtemps qu'elle a totalement été avalée par  l'économie-monde. Sous quelle forme pensez-vous que le rock va subsister  durant  le siècle qui vient de débuter ?
Je me fiche  complètement qu’une musique soit « subversive » ou pas. Bach  « subversif » !  
Il n’y a que les trotskystes pour croire ce genre de balivernes. Le rock subsistera à tout, il a survécu à plusieurs explosions atomiques. Il pourrait même survivre à ce monde. Et à son « économie ».
Par  extension, dans un monde où "jouer le subversif" est un moyen de prendre  du  galon dans la sphère médiatique, les conservateurs sont-ils les derniers  à être  capable de créer un authentique scandale ?
Je vous l’ai dit, le mot « conservateur » n’est plus adéquat, car qu’avons-nous à conserver de ce monde merdique, l’autre ayant disparu depuis plus de deux siècles ? Je ne me considère même pas comme un « réactionnaire », réagir ne suffit pas, même si cela prouve qu’on est encore vivant. Je crois au principe d’affirmation nietzschéen. C’est la raison pour laquelle je me définis comme un Catholique-Futuriste.
Du  personnage de Alice dans La Sirène Rouge (qui a l'age de douze ans a  déjà  dévorée des tonnes de livres de toutes sortes) jusqu'à vos bikers qui  lisent  Joseph de Maistre dans Metacortex, vos personnages sont depuis toujours  des gens  érudits. Leur rapport au monde semble systématiquement passer par le  livre. Le  vrai challenge serait-il pour vous de raconter une histoire du point de  vue d'un  homme ordinaire ?Un  homme « ordinaire » n’a aucune histoire à me raconter, quelque soit son  « point  de vue ». 
Dans  votre roman Villa Vortex, on fait exploser des usines en écoutant le  "Diamond  Dogs" de Bowie, dans American Black Box vous dites avoir aimé écouter  "Nightclubbing" de Iggy Pop en pleine guerre des Balkans. Metacortex,  lui, se  déploie entre deux époques qui circonscrivent plus ou moins la naissance  du Rock  et la fin supposée du monde telle que nous l'avons connus. Pourquoi le  rock  est-il chez vous toujours associé à la guerre ou à la  destruction?
Ce n’est pas « chez moi ». Le rock est la bande sonore de la seconde moitié du XXe siècle, cela devrait répondre à votre question. Le véritable lieu de naissance de cette musique n’est sans doute pas Memphis, Tennessee, mais Los Alamos, Nouveau-Mexique.
Vous  dites souvent que chacun de vos livres est écris contre le précédent.  J'ai  cependant l'impression que depuis Villa Vortex (depuis votre conversion  au  christianisme, en fait), chaque nouveau volume de votre œuvre est un  approfondissement de vos préocuppations et une amélioration perpétuelle  de la  forme. Les questions théoriques me semblent à chaque fois mieux fondues  dans la  matière narrative, à tel point que Metacortex est de loin votre roman le  plus  fluide. Est-ce que c'est genre de chose à laquelle vous travaillez, ou  bien  est-ce que vous laissez l'expérience faire son œuvre ?
Vous avez  répondu à la question. L’expérience narrative est précisément celle qui  me  permet de continuer d’affirmer que chaque livre naît de la destruction   créative du précédent. Le Christianisme est basé sur le principe du  dogme  évolutif et comme le dit Nicolà Gomez d’Avilà, il naît d’une tension  toujours  entretenue entre hérésie et orthodoxie.
La nécessité d’entrelacer au plus profond du matériau littéraire les questions théoriques et les diverses formes de narration comme des « échos » les unes des autres est une conséquence directe de cette expérience.
Cosmos  Inc et Grande Jonction nous mettaient en garde contre l'avènement d'un  monde  "mégamachinique" où les hommes seraient devenus les rouages isolés d'une   gigantesque machine qu'ils ne parviendraient plus à se représenter dans  son  ensemble. Dans Metacortex, on est paradoxalement dans un monde où la  condition  sine qua-non pour survivre est justement de devenir machine (machine à  tuer,  machine à traquer, machine à décoder les secrets du monde). Metacortex  nous dit  donc en substance que la machine n'est pas un danger en soi, mais que  c'est le  manque d'Être face à la machine, notre incapacité a inventer une  authentique  relation metaphysique homme/machine qui pourrait nous perdre. J'ai bon,  m'sieur  ?
Tout bon,  jeune homme. Vous êtes donc recalé pour un poste aux  Inrockuptibles .
Dans vos  romans, survient toujours ce moment où la rencontre d'un imprévu  scientifique  avec une singularité humaine amène une évolution radicale de l'espèce,  ou signe  l'avènement du post-humain, ou d'un humain hybride (capable, par  exemple, de  parler le langage des machines, où de décrypter l'invisible). La  technique  semble être le seul vecteur qui puisse permettre à l'homme d'accéder au  salut.  L'homme ne peux t-il se sauver seul ?Entièrement  d’accord avec votre première analyse. Pour la suite : non, non. Relisez  votre  question précédente. La Technique ne risque pas de « sauver » l’Homme,  si  quelque chose le peut. La Technique comme « pensée autonome » comme  « agent  intelligent » à la manière d’Averroes, est née de la séparation absolue  établie  entre Science et Révélation. Depuis les Racines du Mal j’envisage la  question  sous cette forme.
Quant à  savoir si l’Homme peut se sauver seul, cela consiste d’abord à  présupposer qu’il puisse SE sauver. Si c’était le cas, pourquoi ne  l’a-t-il pas  déjà fait ?
En fait  l’homme est sauvé, mais il ne le sait pas, ou refuse de le  croire, ou  ne veut pas l’être.
C’est la raison pour laquelle la Chute ne s’arrête pas.
Ce saut  quantique dans l'évolution de vos personnages de fiction représente t-il  à votre  échelle d'écrivain la découverte de certains livres décisifs  ?
Livres ou événements « vécus », car c’est la même chose. En fait, bien souvent, ce sont mes personnages qui me guident vers certains ouvrages.
En  parcourant ce qu'on raconte de vous dans la presse et sur la toile, je  vois  parfois votre nom associé aux mots "islamophobie", "réactionnaire" et  autres  noms d'oiseaux. Pourtant quand j'ouvre vos livres, me viennent tout de  suite à  l'esprit les mots "Lumière", "Espérance", "Beauté", "Poésie du  territoire".  Qu'est-ce qui produit selon vous un tel écart ?
S’occuper  de politique c’est inévitablement entrer dans les ténèbres humaines. Je  ne suis  pas « islamophobe », étymologiquement cela signifierait que j’aurais peur   de l’islam, ce qui est une bonne blague. Je considère l’islam comme  un  totalitarisme religieux régressif à la base, je constate que depuis 14  siècles,  malgré leur prétendue maîtrise d’Aristote et des chiffres qu’elles ont  soi-disant inventé, les différentes sociétés islamiques n’ont pas su  produire  une seule théorie scientifique d’importance, aucune technologie  nouvelle,  rien.
Il ne faut d’ailleurs jamais dire que les émirs de la Péninsule Arabique sont devenus riches grâce à leur pétrole. Ils sont devenus riches grâce à notre moteur à explosion.
Metacortex est probablement le roman dans lequel on trouve le plus grand  nombre  de morts. Paradoxalement, il est aussi celui qui laisse percer le plus  d'espoir.  J'ai un peu la même sensation à la lecture de vos textes dits  "polémiques"  (publiés dans les Théâtre des Opérations, dans Égards ou dans Ring),  comme si la  colère avait laissé place à une grande sérénité, une grande quiétude  face aux  catastrophes à venir. Qu'est-ce qui a changé en vous en l'espace d'une  petite décennie ?
La Paix est un moment de la Guerre.
La notion  de sacrifice est omniprésente dans Metacortex. Vous citez Joseph de  Maistre, qui  a énormément écris sur le sujet, mais on devine aussi en sous-texte une  lecture  très studieuse de René Girard. Cette notion de sacrifice, j'imagine  qu'on la  retrouve jusque dans l'acte même d'écrire. Metacortex vous a  probablement pris  un an / un an et demi de votre vie, que sacrifie t-on en tant  qu'écrivain pour  accoucher d'un tel livre ?
Plusieurs bons millions de neurones pour commencer. Un sacrifice qui ne comporte pas un don physique du corps n’est… qu’une vue de l’esprit, justement.
Vous avez  toujours revendiqué ne pas réellement être l'auteur de vos romans. Vous  dites  toujours que le "Je" n'existe pas, que l'écrivain est multiple, que ce  sont les  histoires qui cherchent à exister à travers vous, que ce sont les voix  des morts  qui s'expriment à travers votre plume, que l'écrivain n'est rien de plus  que le  vecteur de forces qui le dépassent. Dans Metacortex, la relation  machinique/métaphysique qui va connecter Verlande avec l'invisible, lui  ouvrir  les secrets qui recouvre le monde, est t-elle une façon absolue de  parler de la  relation qui vous lie avec ces mondes qui ne demandent qu'à naître ?  Metacortex  n'est-il pas au fond une allégorie de votre condition d'écrivain  ?Oui, bien  sûr, mais tout écrivain, me semble-t-il, est confronté à cette  problématique. À  lui d’oser l’affronter, ou pas.
Vous ne  cachez jamais dans vos romans les livres qui vous ont aidés à les  concevoir. Au  contraire, les livres des autres interviennent toujours en tant que  processus  dynamique, à tel point qu'on peux entrevoir au fil des années la  transformation  de votre pensée rien qu'en parcourant cette "bibliothèque virtuelle".  Vous jouez  le jeu d'une transparence totale, là où la plupart des écrivains restent  plutôt discret concernant les livres qui les  influencent/transforment.
Les livres  sont des formes de vie. 
Si beaucoup  d’écrivains restent « discrets » au sujet de leur influence réelle sur  leur  propre production c’est parce que cette conception leur est étrangère et  que par  conséquent la « transformation » - à laquelle ils font d’ailleurs  souvent  référence – reste de l’ordre « intellectuel ».
Or un livre  est une expérience physique. Neurophysique.
Quelle  leçons avez-vous tiré des faiblesses de Villa Vortex (premier tome de la   trilogie Liber Mundi) avant d'attaquer la conception de ce deuxième tome   ?
Que ses faiblesses étaient sans doute des forces mal exploitées. J’ai donc attendu plusieurs années avant de laisser place à ce second volume de Liber Mundi, je ne devais plus pêcher par précipitation, je devais donner le temps à Métacortex de réunir toute la masse critique avant de le laisser détoner.
Depuis  Villa Vortex (depuis votre conversion au christianisme, en fait), vous  me  semblez produire une authentique littérature de l'invisible, la foi, les  anges,  le chaos, l'amour, l'entropie. L'essentiel dans la vie terrestre semble  être à  vos yeux tout ce qui est invisible à l'œil nu. Parmi tous vos livres  écrits  depuis 2003, Metacortex me semble être le premier a livrer un mode  d'emploi, le  premier à offrir une arme de guerre littéraire pour décoder le  réel.
Vous me  permettrez de prendre cela comme un compliment. Tous mes livres  convergent vers  ce but « viral », mais il est vrai que pour la première fois, avec ce  roman,  j’ai eu l’impression de toucher pleinement la cible, et pas très loin du  centre.
La  chanson "Massacre à l'électrode" que vous chantiez avec votre groupe  Artefact à  la fin des années 70 commençait sur ces mots : "Fillette qui pleure  dans la  souffrance".
Pourchassées dans La  Sirène Rouge, assassinées dans Les Racines du  Mal/Artefact/Metacortex, torturées et transformées en automate dans  Villa  Vortex, la fillette suppliciée est une image récurrente dans  l'imaginaire  Dantecquien depuis plus de 30 ans. D'où vous vient cette obsession  ?
Mon côté  sentimental, je présume.
Plus sérieusement, je ne sais pas, et peu importe. Elles, elles le savent, c’est amplement suffisant.
De la  même manière, le symbole de la bibliothèque est un élément central,  aussi bien  dans votre vie que dans vos romans. Je ne ferais pas l'affront de vous  demander  pourquoi cette récurrence, j'aurais plutôt tendance à me demander  pourquoi cet  élément est si peu cet élément dans la littérature des  autres.
Parce  qu’ils font de la « littérature » avec leur moi.
En ce qui me concerne, ma littérature a pour objectif la destruction de ce qu’il en reste.
Que  trouves t-on comme acquisitions récentes dans votre bibliothèque  ?
De la  Patristique essentiellement. 
La  Route de Mc Carthy. Les dernières productions  de JG Ballard. Novalis  (Le Brouillon Général).
Le dernier  catalogue Sig-Sauer.
Vous  associez également le rock au Christianisme. Dans American Black Box  vous dites  "j'ai trop aimé le rock'n'roll pour autre chose que catholique".  Plus  loin, vous récidivez en disant "sans la Très Sainte Électricité de  quelques  dandies du XXème siècle finissant, jamais sans doute je n'aurais pu  adhérer à la  religion catholique". L'Électricité, la Lumière, le Verbe, la  Beauté,  pourquoi ai-je l'impression que dans votre littérature tout a l'air de  provenir  de la même source ?
Parce que c’est le cas. Toute littérature est un écho du Verbe, qu’on le veuille ou non.
Vous venez récemment de changer d'éditeur et venez de rejoindre James Ellroy, Dennis Lehanne, mais aussi Giorgio Agamben et Günther Anders chez Rivages. Quel influence va avoir sur votre écriture un tel changement d'éditeur, connu pour le prestige de sa ligne éditoriale, aussi bien dans le roman noir que dans l'édition d'essais ?
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