lundi 22 septembre 2008

INTERVIEW * NICOLAS MOOG

NICOLAS MOOG sort une nouvelle BD chez 6 PIEDS SOUS TERRE, l'occasion idéale pour jouer au petit jeu des questions-réponses avec ce sympathique garçon qui mériterait à bien des égards d'être plus connu, aussi bien auprès des lecteurs de BD et des amateurs d'illustrations, qu'auprès des amateurs de musiques déglinguées.

Depuis ROSE ET LES TATOUES, ce jeune Messin s'était fait discret. Et même si la discrétion est un trait marquant de sa personnalité, faut avouer qu'on s'impatientait un peu ! Notre patience est donc récompensée avec la sortie de L'AMOUR TARDE A DIJON, un nouvel opus BD de la série de POULPE. Je mentirais en vous disant que je me passionne pour cette série de romans et de BD (même si j'aime beaucoup le concept en lui-même, l'esprit libertaire de l'ensemble me rebute définitivement), mais sous la plume de l'ami MOOG, ma curiosité s'est trouvée à nouveau aiguisée
Ca sort le 16 octobre. En attendant...


Savais-tu qu'il y a une page Wikipedia à ton nom ? Par contre, elle n'est pas très complète. Si quelqu'un devait l'instruire, qu'aimerais-tu y trouver ?
J'ai vu la page; qu'y ajouter ? Que je suis amoureux, que je joue du banjo le long des voies ferrées (en périphérie), que je regrette de n'avoir jamais rencontré Charles Mingus, ce genre de choses.

Comment en es-tu venu à devenir dessinateur ?
Mon père était collectionneur de bande dessinée (je parle au passé, non pas que mon père fût décédé, mais plutôt que cette sale manie l'ait quitté) et mon enfance a baigné dans la lecture assidue de Franquin, Tillieux, Peyo. Enfant, je proposais des histoires au journal Spirou. Ils étaient très gentils, répondaient toujours très gentiment à mes courriers, ce qui me motivait salement.
Mon adolescence je l'ai passé dans ses recueils de Crumb, Tardi, Munoz et Sampayo, etc...
Ensuite cet intérêt pour le neuvième art s'est un peu tari quand j'ai fait la connaissance de la BIERE, qui m'a ouvert d'autres horizons.
Et puis un peu plus tard, via les fanzines rock et les concerts, je me suis remis à dessiner une affiche de concert par ci, une illustration par là, puis une planche, puis une histoire en quelques planches, etc... et me voilà.

Le Poulpe et toi, c'est quel genre d'histoire ? Une opportunité ? Un réel désir de travailler sur cette série ?
C'est une longue histoire et permets-moi d'y répondre en plusieurs temps s'il te plaît :
Petit 1) je réussis à aguicher l'éditeur 6 pieds sous terre avec "Rose & les tatoués". Par miracle ils publient cette histoire dans leur collection Lépidoptère. Je suis fou de joie et très fier du résultat. L'éditeur est content lui aussi.
L'équipe de 6pieds est épatante et on devient amis. Tout naturellement ils me proposent alors l'adaptation d'un Poulpe, comme ils le font avec les auteurs qui travaillent régulièrement avec eux.
Petit 2) je suis passioné de roman noir. J'admire Dashiell Hammett & Jean-Patrick Manchette.
Hammett pour avoir créer le genre et défini la figure du héros ou anti-héros de roman noir, en quelque sorte un individu qui se dresse jusqu'au bout contre la corruption et la dérive cynique de la société, au risque de tout paumer dans la bataille.
Et Manchette pour avoir expliciter tout cela avec une classe folle dans ses "Chroniques", entre autres choses hein, vu qu'il était tout de même le plus grand écrivain français de la fin du XXème siècle.
Petit 3) je pense que le Poulpe était une bonne idée. Malgré tout, la collection est très inégale. J'ai lu quelques poulpes et certains romans versent dans un folklore liberaire assez navrant à mon goût, au détriment de la langue. Mais je crois que c'était ce que Pouy voulait, le côté "feuilleton", "on publie tout et on ne regrette rien", aller de l'avant.
64 planches plus tard, le livre est en passe d'être présent en librairie, et je suis bien content.

Quelles consignes tu reçois quand tu commences à travailler sur cette série ? C'est Six Pieds Sous terre qui vous briefe, ou bien c'est Jean-Bernard Pouy ?
Totale liberté est laissée à l'auteur s'attaquant à un Poulpe. On te refile juste la "bible" que Pouy est ses potes ont bricolé pour que les différents romans puissent garder une sorte de ligne commune.
Quant au roman que tu adaptes, tu as carte blanche pour le choisir, le dépecer et le cuisiner à ta sauce.

Qu'est-ce que tu penses avoir apporté à la série ?
J'ai essayé de composer un livre avec une intrigue assez simple, au trait clair (sali ici où là), en y injectant quelques unes de mes obsessions (à droite à gauche), et en tentant de dédramatiser un tantinet le propos, en malmenant le personnage du Poulpe.

Quel regard portes-tu sur les autres BD de la série ? Et sur le film (qui est à mon avis ce qui a été produit de mieux dans le concept) ?
Ma bande préférée dans cette collection c'est l'adaptation de Pourquié, qui reste à mon sens la meilleure. Claire, vive et marrante.
Le livre de Baladi est très beau, il fallait du courage pour se coltiner une adaptation du roman d'Hervé Prudon (qui a un style tarabiscoté du genre une alitération tous les deux mots que c'en devient pratiquement abstrait). J'aime aussi les bandes de Guerse&Pichelin et Bourguignon, mais c'est surtout pour la qualité du dessin.
Celle de Cattelain est assez jouissive elle aussi, stupide et méchante comme il se doit.
Dans mon souvenir, le film était plaisant mais je préfère largement "Une affaire privée", de Nicloux itou, vraiment valable (Hell yeah !, ndr).

Es-tu un amateur de Série Noire ? Qu'est-ce qu'on trouve sur les rayons de ta bibliothèque ?
Je suis grand amateur de Série Noire bien sûr, les Hammett, Chester Himes, & Chandler, malgré le fait que les traductions datent un peu aujourd'hui.
Le génial Léo Malet répondait à la question "Si vous deviez emporter un seul polar au ciel, lequel choisiriez-vous ?" par "Oh, je prendrai un Chandler, même mal traduit."
Mais aussi les bizzareries, "Londres Express" de Loughgran, "Il gèle en enfer" de Chaze, et quelques autres.
Sinon tu peux trouver une grande partie du catalogue du meilleur éditeur français d'aujourd'hui, Rivages. Guérif a su créer un catalogue qui me rend complètement fou, Lewis, Behm, Bunker, Cook, Leonard, Starck, Ellroy, Peace, etc...Les meilleurs, morts ou vivants, y sont présents, tous traduits avec grand soin.

Marcher dans les pas de moult écrivains, scénaristes et d'un cinéaste, est-ce plutôt une facilité ou une difficulté ?
Aucune difficulté.

Cette BD finie, quels sont tes projets ?
Je travaille sur une bande au lon cours appelée "June", quelque chose qui comptera dans les soixante planches et qui traite de l'alcoolisme sur un mode très noir. Pour le reste je pars début octobre pendant un mois aux États Unis questionner quelques musiciens de country sur leur rapport à la politique, aux élections à venir, à leurs racines et à leur musique. J'espère que ces entretiens dessinés deviendront un livre au final.
Quelle a été ton experience la bas, les choses fortes que tu y a vecu, le travail graphique que tu y a fait, ton sentiment vis a vis des dernieres elections americaines.
Je suis parti début octobre à Austin, Texas où je suis resté une quinzaine de jours, puis j'ai rallié NYC, où j'ai glandé et exercé mon sens de l'observation jusqu'au D-day. Mon but était de rendre compte de l'ambiance pré-électorale, et, à Austin spécialement, d'étudier le rapport des musiciens locaux à la politique. J'ai suivi la piste de quatre personnages de la scène country-blues-punk underground texane; je m'intéresse à cela car étant moi-même musicien et pratiquant ce genre musical très spécial, il m'intéressait d'aller (boire) à la source (car de la bière locale et du whiskey, j'en ai bu). Première constatation, Austin est une ville totalement démocrate, je ne comptais plus les panneaux autocollants affiches pro-Obama. Par contre dès que tu t'enfonces dans la campagne, c'est Mac Cain qui rafle les suffrages. Les musiciens, de la middle-class, étaient partagés entre un dégoût nihiliste de la politique ou un soutien important aux promesses d'Obama. Étonnant pour des joueurs de country, généralement présentés en France comme des racistes stupides.
Austin est une ville géniale, je suis pressé d'y retourner un de ces jours. Les quartiers sud sont le reste d'une Amérique rêvée: nonchalance, coût de la vie peu chère, hospitalité, etc... Je disposais d'un carnet de dessin à l'italienne, d'une soixantaine de pages, que j'ai commencé à noircir sur place, et que je termine actuellement, aidé de notes et d'enregistrements audios, des interviews de musicien du cru, et de croquis. J'ai continué à NYC, une ville bien moins agréable à vivre selon moi, mis à part Harlem ou Brooklyn, quartiers à tendance plus humaine que l'affreux Manathan, berk. NYC est démocrate, de bout en bout, et pour les New-Yorkais rencontrés, il ne faisait aucun doute qu'Obama allait sortir et les sauver d'un sale destin. New York n'est pas les Usa, NY c'est NY. Maintenant je suis rentré et j'ai du pain sur la planche, je cours de droite à gauche depuis mon retour entre les concerts, les dédicaces du Poulpe et l'achèvement rapide de ce projet qui me tient tant à coeur. J'ajouterai que le soir du 4 novembre, à Harlem, j'étais totalement ému par l'élection d'Obama, mais c'est le coeur qui parlait. A la réflexion, je ne sais pas si cela changera en profondeur les choses, mais ce soir-là, c'était de l'ordre du symbole, un noir président, et ma foi c'était beau.


Pour ceux qui ne connaissent que le Moog dessinateur, voudrais-tu nous parler du Moog musicien et de tes divers projets ?
Le Moog musicien, si je puis dire, sévit dans deux groupes de country déviante,
Je joue dans un duo guitare-banjo/batterie nommé Thee Verduns, quelque chose de tremblé, très brut, à l'os. Nouveau 6 titres sérigraphié prévu pour la fin 2008, tournée en Italie en février prochain.
Je joue également dans un quintett nommé "A promise is a promise to a person of the world...yours", avec un autre joueur de pinceaux que tu connais bien nommé Navette, et trois musiciens de grand talent, des pointures si tu veux mon avis (on ne se refuse rien).

1 commentaire:

Antonnella a dit…

Ca n'a rien a voir avec la choucroute (et je ne porte même pas de masque de catch ! enfin, si mais rarement...) mais j'inaugure le blog "Antonnella ou les vertiges de l'amour en orient" : Antonnella est une jeune fille un peu décalée peut-être,et qui a sûrement trop regardé "Angélique marquise des anges... Vous pourrez suivre ses aventures sur :
http://antonella-vertigesamourenorient.blogspot.com/
Un post tous les 10 jours ! Merci beaucoup pour elle... Elle a déjà beaucoup souffert, et elle aura besoin de soutien !... Surtout de vrais hommes, avec des poils,de la barbe, euh, des, des masques euh, de catch, et...!
Marjolaine Larrivé