jeudi 8 mars 2007

INTERVIEW IVAN BRUN * PART IV

Tu as longtemps publié chez les indés. Aujourd'hui que tu publies dans une revue établie (L'ECHO DES SAVANE, Ndlr) et que tu vas bientôt être publié chez Albin Michel, est-ce que c'est pour toi une forme de reconnaissance ou bien est-ce qu'à tes yeux tu ne touches rien de plus que le salaire bien mérité de ta perspicacité ?
Un peu des deux. J'ai quand même travaillé très assidûment pour en arriver là, c'est pas arrivé par hasard. Au début le milieu de la BD, je suivais ça d'assez loin, j'en avais rien à foutre, j'étais là à faire mes fanzines, ça me passait à 15.000 au dessus du ciboulot. C'est à partir des années 2000 que j'ai commencé à comprendre comment ce milieu fonctionnait en tant que système économique. J'étais dans un festival et j'ai saisi le fonctionnement pyramidal. Tout en bas tu as les fanzines, au milieu les indés, et tout en haut les grosses maisons d'éditions. Les gens qui sont établis dans les grosses maisons d'éditions ont tendance à regarder les indés de façon méprisante et condescendante, et les indés de leur côté regardent les fanzineux de la même manière. Alors qu'évidemment, il peut y avoir des gens qui fournissent un travail de qualité chez les fanzines, mais après tout est une question de statut, de façon dont tu seras catégorisé au sein de ce système. Et les festivals sont vraiment organisés dans ce sens.

Tu as donc gravis l'échelle sociale du milieu de la Bande Dessinée ! (rires)
Oui, gravir les échelons, c'est vraiment du calcul dégueulasse ! (rires)
Sérieusement, une fois de plus, il s'agissait de trouver un moyen de parvenir à faire diffuser ton travail dans les meilleures conditions possibles, de toucher un public plus large, de pouvoir être rémunéré pour ça. J'ai aussi bossé pour pas mal de magazines en Italie, en Espagne, j'ai fait de la BD érotique, c'était vraiment un plan "alimentaire".

Exact, j'ai vu les couvertures et les planches tes mangas érotiques sur ton blog. La série SKINJOB, c'est ça ?
Oui, j'ai travaillé pour un magazine qui s'appelle GEISHA où les 2/3 du magazine contenait des traductions de mangas japonais, et le reste était de la création Française. La contrainte c'était qu'il fallait un peu dessiner dans le "style manga"... Il fallait agrandir la taille des yeux, quoi ! (rires)


Tu t'en es quand même bien sorti.
Merci, c'étais pas évident de saisir tout ces codes esthétiques, donc j'ai donc repompé un auteur qui s'appelle TSUKASA HOJO, l'auteur de CITY HUNTER, parcequ'il avait un trait très réaliste fondu dans des caractéristiques très mangas dans l'expression des personnages. C'étais pour moi le meilleur compromis pour parvenir à "
faire manga".

Ce que tu dessines aujourd'hui pour L'Echo, est-ce que tu penses que c'est une résurgence de ce travail que tu as mené à cette époque là ?
Non, la première histoire que j'ai faite avec ces personnages à la morphologie de bébés, c'étais BURNED HEARTS (une planche que l'on retrouve dans LOWLIFE, Ndlr). Cette histoire fonctionnait plutôt bien au niveau de la narration, sans texte, qui fonctionne un peu comme des séquences cinématographiques, le fait de faire avancer l'histoire grâce à des cadrages successifs, assez proches du montage cinématographique. C'est une histoire qui a reçu beaucoup d'échos positifs, qui a été publié dans pas mal de revues, qui a beaucoup marqué les gens. Cette histoire a beaucoup plue aux gens de l'Echo des Savanes qui m'ont donc demandé de persévérer dans cette direction.


En parlant de cadrages cinématographiques, beaucoup de dessinateurs se battent pour que la BD soit reconnue comme un art à part entière. De ton côté, j'ai lu dans une interview pour le magazine JADE que tu considérais la BD comme un "cinéma du pauvre".
Cette interview est un peu vieille. A cette époque j'étais vraiment très éloigné des préoccupations de la BD.
J'ai fait pas mal de chemin depuis cette époque, l'évolution de mon travail autour de la bande-dessinée m'a permis de cerner un peu mieux les enjeux du média. Les possibilités offertes par la bande-dessinée en termes de rapport texte-image sont vastes. Il s'agit d'un langage visuel à part entière, situé quelque part entre le dessin et la littérature. Il est également possible d'en faire un vrai "cinéma sur papier", mais ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les adaptations de BD au cinéma sont merdiques, il manque à ces adaptations un truc qui est vraiment propre au média BD.

L'influence fonctionne t-elle en sens inverse ? Te sens-tu influencé par le cinéma ?

Humm... Non, je n'ai pas de références vraiment précises. Je suis un gros consommateur d'images, entre le cinéma, la télé, la pub, je m'alimente auprès de pas mal de sources différentes, j'essaie de mettre toutes les images sur un pied d'égalité, j'essaie de traiter la "matière image" comme une matériau indifférencié. Pour composer mes cases, je tente de respecter quand même certaines règles de composition, que les cadrages soient harmonieux, fonctionnent en termes de lisibilité, mais je ne m'inspire pas spécialement de cinéastes ou de dessinateurs. J'essaie de créer un langage personnel sans piquer de références à droite à gauche.

* FIN *
(Merci à Ivan Brun, Claude Amauger et Aurélien Maury)

7 commentaires:

gragoury a dit…

Putain de merde, là y a du tos, de quoi s'occupé nvx lecture pendant qlqs instants. ça me changera de scotché sur les simpsons ^^

FABIEN * BLACK CAT BONES a dit…

Y'a du Tos ? Je ne savais que Ivan était Portugais...
Ok, je sors
->

gragoury a dit…

Huhu! Nan mais chacun d'entre nous à une part de l'héritage humoristique de Bézu!... ou pas! ^^

FABIEN * BLACK CAT BONES a dit…

Bézu, bézu... Mon idéal à moi c'étais plutôt Thierry Le Luron (RIP), vois-tu ?

gragoury a dit…

Je vois, je vois! on préfère donc les humoristes subversifs tel Le Luron, Coluche et autre Desproges aux humoristes populaire comme Bézu, grand auteur, fédérateur de milliers de convives lors de mariages distingués!...

FABIEN * BLACK CAT BONES a dit…

Oh tu sais moi, j'aime pas trop les mariages, je suis jamais invité.

gragoury a dit…

C'est que les dieux te protègent dans ce cas ^^
à moins d'être un amateur des pièces montées ça reste d'un ennui mortel!