lundi 15 décembre 2008

PHASE 7 - ALEC LONGSTRETH

J'ai longtemps été réticent aux formes de l'autofiction. A force de fréquenter le mouvement Punk, ou l'autofiction (écrite et graphique) y est souvent célébrée comme le seul et unique moyen d'expression "officiel" du mouvement, j'avais fini par faire un rejet quasiment viscéral de ces histoires a la premiere personne. Ce recours systématique a ce type de narration me semblait alors cacher une grosse part de fénéantise, voir un sérieux manque de talent de la part des gens qui s'y adonnaient... A de rares exeptions...
Je ne dis pas ca pour jeter la pierre aux autres, j'ai moi-meme longtemps nourri la bete par le biais de quelques fanzines ou je déversais mes petites histoires personnelles, de mes pathétiques histoires de coeur a d'inintéressantes histoires d'intérim, plus souvent par égocentrisme maladif (bien planqué derriere une fausse générosité) que par désir de partager quoi que ce soit.

Apres une grosse phase d'auto-critique et suite a la découverte de la littérature francaise de la fin du XIX/début XX (qui, je le sais, n'est pas sans partager certains liens avec l'autofiction, les livres de Léon Bloy, par exemple), j'ai fini par acquerir l'intuition qu'un bon récit se devait de toucher a l'Universel. Toujours actif dans le mouvement Punk mais de plus en plus critique, j'en suis finalement venu a lui reprocher de ne pas etre parvenu a accoucher au moins d'un écrivain de fiction digne de ce nom. Sans parler d'un Céline, d'un Conrad ou d'un McCarthy Punk, d'au moins quelqu'un qui parvienne a transcender la singularité de ses expériences en une authentique forme romanesque. Du coté de la BD, y'avait eu Matt Konture (mais que, paradoxalement, les Punks ne lisaient pas), l'honneur était sauf.

L'autofiction, ca a donc toujours été pour moi a tres petite dose. Quelle n'a donc pas été ma surprise quand je suis tombé sur PHASE 7, d'ALEC LONGSTRETH, dont l'éditeur Belge L'EMPLOYE DU MOI vient d'éditer une sorte de "best-of" ! J'y ai retrouvé toutes les qualités, non seulement des rares auteurs de BD autofictionelles Punk qui me plaisaient (sauf qu'ici, Alec nous évite ce sempiternel auto-apitoiement dépressif d'ados inconsolables qu'on retrouve la plupart du temps dans l'autofiction Punk), mais aussi celle des grands auteurs de comix qui ont marqués le genre... Je pense évidemment a Joe Matt, et a Julie Doucet dans une moindre mesure. La vie d'Alec tourne autour de la BD, et toutes les facettes de cette obsession fusionnelle sont abordées, du récit de la découverte de ses premiers comix a son entrée dans le monde l'auto-édition. Les récits d'Alec touchent a quelque chose qui dépasse l'expression du Moi, puisqu'ils racontent avant tout le parcours d'un garcon qui trouve un sens a sa vie en meme temps que s'affirme son engagement dans la BD. C'est en tout cas ce que nous permet de saisir cette anthologie qui nous fait survoler d'un trait (ou presque) quasiment 7 ans de la vie d'Alec. A ce stade, on est quasiment dans le récit d'initiation.

Cette grille de lecture n'existait probablement pas pour les lecteurs qui durant 7 ans ont achetés le fanzine d'Alec. Réunies en un volume, cette sélection d'histoires permet de remettre en perspective tout ce qui meut le personnage : son désir de devenir un dessinateur indépendant, les problemes du quotidien qu'il doit surmonter pour arriver a ses fins, la reconnaissance qui commence a pointer le bout de son nez. Contrairement a ce que j'ai pu lire sur certains sites, on est loin de la célébration du mythe du self-made men. Dans Phase 7, Alec souhaite juste se réaliser, et accesoirement réaliser ses reves, qui sont loin d'etre des reves de richesse ou de pouvoir. Cette anthologie est donc, de fait, plus qu'une simple compilation, ou une svulgaire "édition Francophone" d'un album déja existant. Elle nous familiarise avec le personnage, nous fait suivre son évolution, nous permet meme de prendre de la distance avec lui. Bref, ce livre a plus d'une raison d'etre. Si vous désirez aller a la rencontre de ce personnage, aussi parfaitement banal que paradoxalement atypique, il n'existe pas un ouvrage plus complet que cette anthologie PHASE 7. J'y reviendrais. (PHASE 7 de Alec Longstreth, Ed. L'Employé du Moi, distrib. Le Comptoir des Indépendants).

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