dimanche 20 avril 2008

NOUS SOMMES TOUS TRAVIS BICKLE

2 mai 1998: «Voilà presque une semaine que je suis revenu d'Israël. J'ai un goût amer dans la bouche et dans mon cœur. Je n'ai pas eu assez de contacts avec les israéliens et les palestiniens. Cette terre n'est pas la mienne. J'ai maintenant l'intime conviction de ne pas croire en l'existence de Dieu et de la vie après la mort. Il m'arrivera souvent dans le futur de me mettre à prier à ma façon parce que j'aurai peur et que je me ferai l'illusion d'être écouté et d'être racheté parce que je reconnaîtrai que je me suis trompé et que j'ai échoué. (...) J'écris parce que j'espère me prouver que je suis encore en vie même si objectivement tout prouve le contraire.»

9 février 1999: «J'en ai marre d'avoir dans la tête, toujours cette phrase qui revient perpétuellement: «je n'ai pas vécu, je n'ai rien vécu à 30 ans». J'en ai marre de rester des heures à écouter la radio pour ne pas me sentir coupé du monde et de rester certains soirs scotché devant la télévision alors que je sais que c'est une machine à décérébrer et à abrutir les gens et les esprits. J'en ai marre d'attendre désespérément une lettre ou un coup de téléphone alors que je n'existe plus pour personne, que je suis oublié de tous... Je n'ai jamais su me battre. Je n'ai jamais su apprendre à m'aimer un peu (sans être nombriliste et égocentrique). Je me mets toujours moi-même mes propres freins. Je tends toujours les perches et les bâtons pour me faire flageller par les autres. Marre d'être le dépressif et le type qui fait pitié (dans le meilleur des cas) de service. Je suis fatigué de voir mon corps et mon visage vieillir et de constater que le temps passe et que je n'ai rien. (...) Je ne peux plus être au bas de l'échelle et voir tous les gens que j'ai côtoyés progresser dans la vie (mariage, vie en couple, indépendance financière, rupture ombilicale avec la famille, carrière professionnelle et manœuvres pour y progresser).

Je me sens bloqué parce que je n'ai pas de femme. Je me sens bloqué parce que je n'ai pas appris à être indispensable pour un groupe de personnes. Je suis foutu parce que je n'ai plus de repères sociaux et affectifs. Je ne suis plus qu'un numéro d'immatriculation dont tout le monde se fout. J'ai un bandeau sur les yeux et je tourne en rond dans une pièce en me cognant toutes les 10 secondes à un meuble ou contre un mur. Je ne veux pas crever sans avoir beaucoup baisé. Je ne veux pas crever sans avoir été amoureux et sans qu'une femme ait été amoureuse de moi, même si je suis faible, déglingué et immature et que j'ai déjà plus de 30 ans. Je ne veux pas crever sans avoir connu du monde à l'étranger, sans avoir eu un seul, même s'il n'y en a qu'un, ami. Je ne veux pas crever sans avoir connu des choses belles et graves dans le monde. Par exemple, certains paysages, un lieu où je me sentirais bien (désert, montagne, milieu équatorial, tropical), nager près des baleines, des dauphins. Depuis des mois, les idées de carnage et de mort sont dans ma tête. Je ne veux plus être soumis. Je ne veux plus manquer d'audace et me planter. Pourquoi devrai-je me détruire et souffrir seul comme un con? Même si on me maudira, si on me prendra pour un monstre, je me sentirai plus floué et humilié. J'ai envie de vivre. J'ai envie d'aimer. Je veux grandir, je veux me battre et trouver un combat auquel je crois, même si je perds. Ma mère ne peut rien pour moi et nous nous détruisons mutuellement. Je n'ai plus de famille, plus de référents, plus d'idéal et je n'ai toujours pas trouvé mon identité à 30 ans.»

10 février 1999: «Je suis fatigué de fuir. Je fuis parce que je ne sais pas comment me défendre. Je suis toujours le vaincu. Je m'imagine toujours en train de perdre et j'en ai honte, alors je ne fais rien. J'ai honte d'être resté cet été à suivre cette Coupe du monde de merde au lieu de faire un séjour dans le désert ou dans un pays ou un lieu où je pense que j'aurais pu être heureux, ne serait-ce que quelques jours. Je crève, je deviens paresseux et dans quelque temps je vais tomber dans la désocialisation. Je vais partir dans le convoi humanitaire organisé par Roland en espérant d'une façon latente que, soit il se passe un électrochoc et je rencontre des gens qui vont me donner goût à la vie, soit je crèverai là-bas. Je fais un pari stupide. Il faut qu'il se passe quelque chose dans ce voyage humanitaire, ou il n'y a plus rien. Je veux m'arracher de cette maison (de chez ma mère), de cette ville, de cette monotonie, du chaos. Je crève trop. Je veux voir si je peux vivre un peu. Tout cela doit cesser. Ou je trouve le goût de vivre ou je meurs d'un coup sec mais pas petit à petit comme je le fais.»

2 janvier 2002: «Je vais maintenant tenter de fouiller ce qu'il y a de plus profond en moi. Par goût de l'auto flagellation, par piété narcissique et morbide, par ultime instinct de survie pour m'en sortir, par espoir que cela me guérira? Ou alors est-ce que je tente à nouveau d'écrire sur ce que je suis et ce que je fais en espérant échapper à l'ennui et au vide? Je m'appelle Durn Richard. J'ai plus de 33 ans et je ne sais rien faire dans la vie et de ma vie. Je suis onaniste depuis au moins vingt ans. Je ne sais plus ce qu'est le corps d'une femme et je n'ai jamais vécu de véritable histoire d'amour. Je me branle par solitude, par habitude du dégoût de moi-même, par volonté d'oublier le vide de ma vie et sans doute par plaisir. Mais quelle sorte de plaisir ai-je véritablement? J'ai raté mes études et n'ai aucune profession car j'ai peur de travailler et de prendre des responsabilités. Je ne sais pas comment me battre dans le monde du travail, me lier avec les gens sans chercher à m'attacher à eux comme un enfant perdu sans la présence de ses parents. (...) Je suis donc sans fonction sociale et sans source de revenus. Le 9 octobre 1999 a été une date importante dans ma vie de lâche et de crétin. Voyant que je n'ai pas été accepté à l'école Bioforce pour devenir logisticien humanitaire, que je n'avais ni logement, ni petite amie (je n'avais pas fait l'amour depuis des années ni pendant les grandes vacances), j'ai renoncé à la vie. J'ai baissé les bras. Je pouvais suivre la formation pour devenir conseiller principal d'éducation en institut universitaire des maîtres, mais pourquoi? Pour faire un boulot que j'abhorrais si j'avais réussi le concours. J'ai toujours détesté le métier de pion que j'ai fait, où j'étais moins que rien et où j'étais humilié et dans lequel j'ai végété. J'ai mal et je suis plein de haine. Mais cette haine ne s'extériorise pas. Elle est refoulée. Le conformiste que je suis a besoin de briser des vies, de faire du mal pour au moins une fois dans ma vie avoir le sentiment d'exister. Le goût de la destruction, parce que je me suis toujours vu et vécu comme un moins que rien, doit cette fois se diriger contre les autres parce que je n'ai rien et que je ne suis rien. Pourquoi continuer à faire semblant de vivre? Je peux juste pendant quelques instants me sentir vivre en tuant.»

«Je me suis levé, j'ai sorti le Glock 19 qui se trouvait dans la poche extérieure droite de ma parka, a déclaré Richard Durn aux policiers. J'ai commencé par viser et à ouvrir le feu sur la mairesse, Mme Fraysse. J'ai visé droit devant moi, je pense l'avoir atteinte mais je n'en suis pas sûr. J'ai agi comme un robot, je n'ai prononcé aucune parole. J'ai débuté le tir sur Mme Fraysse, car elle était au milieu. Je n'avais pas défini d'ordre précis dans mon exécution, je voulais tuer le plus de personnes possible, puis me tuer. (...) Je ne sais pas qui j'ai pu blesser ou tuer. Je voyais seulement du sang et j'entendais des cris. La seule personne que j'ai visée intentionnellement était Mme Fraysse. Je l'ai visée pour sa qualité de maire, mais aussi parce que je ne la respectais pas.» «Puisque j'étais devenu un mort vivant par ma seule volonté, affirme-t-il, je décidais d'en finir en tuant une mini-élite locale qui était le symbole et qui était les leaders et décideurs dans une ville que j'ai toujours exécrée. Je n'ai pas trouvé les antidotes pour me respecter moi-même et les autres. Je n'ai pas atteint un idéal d'humanisme et m'étant laissé aller au désœuvrement et à l'échec, j'ai voulu tuer pour prendre une futile et infantile revanche sur moi-même et sur ces symboles de puissance qu'ils constituent.»

«J'ai voulu connaître la griserie et le sentiment d'être libre par la mort
RICHARD DURN
(merci à DK pour la transmission du texte)

5 commentaires:

aTELIER dE cREATION eXPERIMENTALE a dit…

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