skip to main |
skip to sidebar
Enfin un livre sérieux et plein d'iconographie sur la Lucha Libre ! LOS TIGRES DEL RING est signé JIMMY PANTERA (un des quatre margoulins de DEADLICIOUS) et sort chez ANKAMA en janvier prochain. Petit entretien avec Jimmy sur la genese du projet. - - - - - - - - - - - - - - -
Salut Jimmy. Qui se cache derriere le pseudo et le masque ? Derrière le masque il y a un graphiste belge qui vit et travaille à Bruxelles. J’ai créé mon propre bureau et je suis spécialisé dans le design “old school”. C’est ce qui m’a permis de réaliser l’image de marque des pâtisseries Deadlicious. Je suis aussi passionné de culture populaire (cinéma de quartier, cinéma Z, Bis et trash, comics, lowbrow, street art, rock’n’roll…) avec une prédilection pour les années 50 et 60. J’adore aussi le cirque et les fêtes foraines, les Freaks et le side show.
Ton livre, Los Tigres Del Ring, est a deux doigts de sortir chez Ankama. Dans quelles conditions as-tu rencontré cet éditeur ?Le projet “LOS TIGRES DEL RING” existe depuis de longues années, je l’avais déjà présenté un peu partout en France et même en Allemagne. Tous les éditeurs l’ont refusé, en m’expliquant que le sujet était trop pointu. Puis cet été, RUN, l’auteur de MUTTAFUKAZ, a eu vent de mon projet. Il venait de créer le label 619 pour Ankama et il était à la recherche de nouveaux titres. Je lui ai présenté une maquette de 80 pages, et nous avons signé un contrat 10 jours plus tard! RUN m’a immédiatement exprimé ses attentes, notamment au niveau de l’écriture. Il fallait aussi terminer le livre dans un délai très court : 4 mois. Alors nous nous sommes serrés les coudes et chacun a donné le meilleur de lui-même pour relever ce défi. Los Tigres Del Ring n'est ni un livre d'histoire sur la Lucha Libre, ni un pur livre d'iconographie, ni un inventaire des objets que tu collectionnes depuis des années, ni un reportage sur la Lucha qui met en parrallele la Lucha d'hier et d'aujourd'hui, mais un peu tout ca a la fois. Qu'avais-tu en tete quand tu as commencé a travailler sur le projet ?Au début j’étais très naïf, je croyais que la Lucha Libre allait disparaître un jour et qu’il fallait bien que quelqu’un en conserve une trace! A mon tout petit niveau j’ai donc commence à amasser des tas d’objets, et j’avais même transformé une pièce de ma maison en micro musée. Mes amis le visitaient avec curiosité, et j’essayais de leur transmettre ma flamme. Puis j’ai eu l’idée de faire un livre d’images, un peu dans l’esprit Taschen. Après on a vu des livres arriver d’un peu partout, et la Lucha Libre est devenue à la mode. Il fallait donc se démarquer de tout ça et créer un nouvel objet plus riche, plus complet. Il fallait étoffer mon personnage, JIMMY PANTERA, qui prend le lecteur par la main et l’emmène en voyage à l’intérieur de sa propre passion. Au fond, concrétiser ce vieux projet m’a permis de le rendre bien plus intéressant!
Visiblement, tu n'as pas attendu le revival pour t'intéresser au phénomene de la Lucha. Quand est-ce que le virus t'as pris, a quelle occasion ?Je suis fasciné par le catch depuis que je suis enfant. Pour moi les catcheurs représentaient des super héros en chair et en os, des costauds invincibles qui déboulaient dans le monde réel. J’ai toujours été fasciné par les héros masqués, j’adorais le personnage de FANTOMAS et je dévorais aussi les aventures du FANTOME, le justicier du Bengale. Alors quand j’ai vu ma première affiche avec des catcheurs cagoulés, j’ai fait une sorte de transfert symbolique, lié aussi à la quête du Père. Evidemment je ne savais pas que l’âge d’or du catch était terminé chez nous, donc les rares galas que j’ai vus sur des marchés ou des fêtes foraines m’ont finalement déçu. Il y avait un côté pathétique et fauché qui sentait la fin d’une époque. Plus tard lorsque je suis devenu adulte j’ai commence à apercevoir des images de catcheurs mexicains, tout d’abord dans le fanzine américain PSYCHOTRONIC. J’étais à nouveau fasciné, mais comme c’était impossible de se procurer quoi que ce soit (à moins de payer des fortunes), je me suis rendu à Mexico avec un ami qui partageait les mêmes envies que moi. Combien de voyages as-tu fais a Mexico pour amasser tout ces objets ? Je suis allé 4 fois au Mexique, et je suis prêt à y retourner à la moindre occasion. Au début j’écumais les brocantes et les marchés aux puces, qui demeurent de véritables mines d’or. J’ai aussi fait la connaissance d’un spécialiste du cinéma mexicain, qui entreposait ses affiches dans la villa de sa belle-mère. Il m’a laissé fouiller dans son stock toute une après-midi. Sur un marché j’ai aussi été abordé par un ami d’EL SANTO, qui m’a revendu des dizaines de magazines des années 70, pratiquement neufs avec un poster au milieu. Les stocks me paraissent inépuisables… Si ce revival permet de faire partager a plus grande échelle notre intéret pour la Lucha Libre, bien du monde persiste a ne voir dans la Lucha qu'un objet Kitch, qu'on regarde avec distanciation. Un texte dans le livre met en garde contre cette tentation. Ton livre a donc également un but pédagogique.Oui, j'explique clairement que la Lucha Libre au Mexique est aussi populaire que le foot, mais que c'est également un domaine hyper riche qui unit les arts et la spiritualité. Sur le plan spirituel la mythologie du catch mexicain nous montre qu’il y a du Bien et du Mal dans chacun d’entre nous et que face à l’adversité il ne faut jamais plier. Pour moi les Luchadores nous donnent des leçons de courage et des raisons de croire dans ce monde souvent obscur et tourmenté.Visiblement, la photographe qui a travaillé avec toi, Lucie Burton, a pris une grande part dans le processus créatif du livre.Je trouve qu’un processus créatif est plus intense lorsqu’il confronte un pôle feminin et un pôle masculin. La Lucha Libre, c’est aussi un environnement hyper viril, et c’était excitant d’y plonger un regard de femme. De toute façon Lucie était impliquée dès le départ car nous avions déjà conçu ensemble l’identité graphique de l’exposition KITSCH & CATCH. Nous avons commencé à photographier des ex votos et des jouets, et son sens de la couleur a fait merveille. Puis je me suis rendu compte que ce serait stimulant d’emmener le lecteur dans le Mexique d’aujourd’hui. J’en ai parlé à Lucie, qui m’a immédiatement fait confiance, ensuite nous sommes partis là-bas pour réaliser le dernier chapitre du livre. Tout comme moi Lucie est très attirée par le cirque et le side show, mais la Lucha Libre représentait un fameux challenge : descendre dans l’arène, se frotter aux colosses du ring, capturer les instants décisifs alors que les Luchadores volent dans les airs et dans les cordes… Elle s’est donnée à fond, avec un regard frais et spontané. J’adore aussi ses cadrages, très dynamiques. Revenus à Bruxelles, nous avons soigneusement sélectionnés une série de photos qu’elle a patiemment recoloriées au pastel et à l’ecoline, une technique qu’elle a développée en regardant les créations de JAN SAUDEK et le travail de coloristes anonymes hindous.Pas mal de livres sont sortis ces dernieres années sur le sujet. Du bon (le livre de Lourdes Grobet), du médiocre (Lucha a go-go). Qu'est-ce que tu penses que ton livre apporte de plus sur le sujet ? J’ai essayé de montrer que la Lucha Libre dépasse les frontières du sport et du spectacle pour se mélanger à d’autres univers comme la peinture, la religion et la magie. Je développe aussi un sujet qui n’a jamais été abordé nulle part dans l’édition : les romans photos de catcheurs. Je présente beaucoup de documents rares et inédits, datant des années 50, 60 et 70, puis je crée un lien avec la Lucha Libre aujourd’hui. Je pense que la vision que je propose est assez complète. Si tu fustiges ce qu'on pourrait appeler "La tentation du Kitch", l'iconographie présente dans ton livre (enfin, par rapport a ce que j'en ai vu) fait tout de meme la part belle a l'age d'or de la Lucha (disons, les années 50/60, la plus passionnante), a des objets enfermés dans une époque bien précise. N'est-ce pas un peu contradictoire ?Pour moi la tentation du kitsch c’est “démystifier” et “désacraliser” tout ce qu’on touche, c’est une sorte de vérole intellectuelle typique de chez nous! J’estime que ça empêche d’apprécier vraiment les choses. Et puis ça ne sert à rien de mettre du second degré dans un phénomène qui n’est pas fait pour ça… surtout quand on parle de culture populaire naïve et spontanée. Alors comme la Lucha Libre devient à la mode, que c’est super cooool, on voit des tas de gens se demander si ces Luchadores sont des gens sérieux. Comme on pense que c’est kitsch, on a tendance à ne voir que des guignols avec des costumes rigolos voire ridicules. Evidemment il n’y a rien de tout ça dans la Lucha Libre, c’est une religion là-bas, avec des athlètes qui s’entraînent tous les jours depuis qu’ils sont gamins et qui sont vénérés comme des Dieux. Oui c’est vrai je montre beaucoup d’iconographie “old school”, parce que graphiquement c’est la plus belle. Et puis c’est impossible de passer à côté des années 50 et 60 car ces influences sont encore très fortes, à tel point qu’on se demande souvent à quelle époque on se trouve… avec un mixage étonnant de passé et de futur (l’esthétique des mangas). Mais j’explique aussi que la Lucha Libre est ancrée dans la vie quotdienne des Mexicains, que les matchs font office de catharsis collective et qu’il n’y a aucune distanciation là-dedans.Quel regard portes-tu sur la Lucha contemporaine ? La scene Lucha Libre actuelle n'est-elle pas une sorte de paliatif a la passion que nous portons a la Lucha "old school" ? Puisque nous ne pouvons pas voyager dans le temps, nous devons nous contenter de ce que la Lucha produit aujourd'hui.La Lucha Libre existe depuis les années 30, il est donc logique qu’elle ait évolué. Les combats sont moins violents qu’il y a trente ans, où les morts n’étaient pas rares. Les costumes et les masques sont plus sophistiqués. Par exemple les mascareros testent de nouvelles matières, avec des reflets métalliques, des moirages. Aujourd’hui la Lucha est sans doute plus théâtrale, plus humoristique, mais est-ce mauvais pour autant? Les Luchadores sont toujours des guerriers du ring, des athlètes complets… et des pugilistes redoutables! Certains d’entre eux se battent pour de “vrai” sur les rings japonais, dans des combats de free fight et de tudo vaile. Leur style, qui mélange efficacement technique de frappe et travail au sol, leur procure un avantage décisif.
Y'a t-il un luchador qui te passionne particulierement ? Si tu devais faire un top-10 de tes Luchadores favoris, ca donnerais quoi ?Mon catcheur préféré c’est évidemment BLUE DEMON. J’adore son masque, son style de combat, et aussi son parcours personnel. Pour moi c’est l’homme venu de nulle part qui s’est imposé uniquement par la force de sa volonté. En deuxième position il y a TINIEBLAS le Géant, je trouve que son histoire (l’extraterrestre échoué sur notre planète qui décide de combattre le Mal) est fascinante. En numéro trois on peut mettre MIL MASCARAS le colosse flamboyant, en numéro quatre EL SANTO bien sûr (c’est l’icône de la Lucha Libre), en cinq CANEK le guerrier Maya, en six MASCARA SAGRADA, en sept EL RAYO DE JALISCO, en huit MISTICO (la star d’aujourd’hui!), en neuf SOLAR et puis en dix DOS CARAS.Je suppose que tu as du voir une grosse partie des films mettant en scene les aventures d'El Santo, Blue Demon, Mil Mascaras, Huracan Ramirez. Pour le néophyte un peu perdu au milieu de cette multitude de titres, quels films lui conseillerais-tu de se procurer ?Il ne faut pas rêver. Les films de Luchadores sont des films d’exploitation, plus précisément de Mexploitation, fabriqués par des producteurs souvent sans scrupules qui n’avaient qu’une seule motivation : l’argent. Quand les films avec EL SANTO ont commencé à marcher dans les années 60, les producteurs mexicains ont cru qu’ils avaient trouvé une nouvelle poule aux oeufs d’or et chaque catcheur connu a eu droit à sa série de films. Mais aucun d’entre eux n’était acteur, et certains étaient même incapables de réciter leurs dialogues (pourtant simplissimes). Ce sont des guerriers du ring, aucun doute là-dessus, mais on est loin de Marlon Brando ou de Robert De Niro! On est en plein dans la zone Z, avec des décors fauchés, des dialogues nullissimes, un scénario inexistant et un rythme souvent soporifique. L’idéal, c’est regarder ces films avec une bande de copains, en faisant un tas de commentaires débiles. Je conseillerais en premier lieu le film le plus connu, EL SANTO VS. LAS MUJERES VAMPIRO, excellent mélange d’Ed Wood et de peplum miteux. Ensuite pourquoi pas EL SANTO VS. LAS MOMIAS DE GUANAJUATO, en plus de l’Homme au Masque d’Argent il y a Blue Demon et Mil Mascaras. Nos trois lutteurs, quand ils ne sont pas torse nu, portent de magnifiques polos moulants et pilotent de splendides voitures de sport. Les zombies sont carrément loupés mais certains plans très beaux apparaissent comme par miracle! Et enfin LOS CAMPIONES JUSTICIEROS, avec Tinieblas, Mil Mascaras et Blue Demon, unis contre un gang de nains super costauds qui veulent dominer le monde. Mais préservez votre cervelle et évitez d’en regarder plus de trois d’affilée! Par contre ce qui est unique et fabuleux dans ces films, ce sont les affiches… L’iconographie est somptueuse, le graphisme exceptionnel. L’impression en lithographie donne des résultats flamboyants.- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - LOS TIGRES DEL RING by JIMMY PANTERA Ankama Editions / Label 619 206 pages / sorti le 08 janvier 2009 J'EMMERDE AMAZON, J'ACHETE MES LIVRES CHEZ MON LIBRAIRE
J'ai longtemps été réticent aux formes de l'autofiction. A force de fréquenter le mouvement Punk, ou l'autofiction (écrite et graphique) y est souvent célébrée comme le seul et unique moyen d'expression "officiel" du mouvement, j'avais fini par faire un rejet quasiment viscéral de ces histoires a la premiere personne. Ce recours systématique a ce type de narration me semblait alors cacher une grosse part de fénéantise, voir un sérieux manque de talent de la part des gens qui s'y adonnaient... A de rares exeptions...
Je ne dis pas ca pour jeter la pierre aux autres, j'ai moi-meme longtemps nourri la bete par le biais de quelques fanzines ou je déversais mes petites histoires personnelles, de mes pathétiques histoires de coeur a d'inintéressantes histoires d'intérim, plus souvent par égocentrisme maladif (bien planqué derriere une fausse générosité) que par désir de partager quoi que ce soit. Apres une grosse phase d'auto-critique et suite a la découverte de la littérature francaise de la fin du XIX/début XX (qui, je le sais, n'est pas sans partager certains liens avec l'autofiction, les livres de Léon Bloy, par exemple), j'ai fini par acquerir l'intuition qu'un bon récit se devait de toucher a l'Universel. Toujours actif dans le mouvement Punk mais de plus en plus critique, j'en suis finalement venu a lui reprocher de ne pas etre parvenu a accoucher au moins d'un écrivain de fiction digne de ce nom. Sans parler d'un Céline, d'un Conrad ou d'un McCarthy Punk, d'au moins quelqu'un qui parvienne a transcender la singularité de ses expériences en une authentique forme romanesque. Du coté de la BD, y'avait eu Matt Konture (mais que, paradoxalement, les Punks ne lisaient pas), l'honneur était sauf. L'autofiction, ca a donc toujours été pour moi a tres petite dose. Quelle n'a donc pas été ma surprise quand je suis tombé sur PHASE 7, d'ALEC LONGSTRETH, dont l'éditeur Belge L'EMPLOYE DU MOI vient d'éditer une sorte de "best-of" ! J'y ai retrouvé toutes les qualités, non seulement des rares auteurs de BD autofictionelles Punk qui me plaisaient (sauf qu'ici, Alec nous évite ce sempiternel auto-apitoiement dépressif d'ados inconsolables qu'on retrouve la plupart du temps dans l'autofiction Punk), mais aussi celle des grands auteurs de comix qui ont marqués le genre... Je pense évidemment a Joe Matt, et a Julie Doucet dans une moindre mesure. La vie d'Alec tourne autour de la BD, et toutes les facettes de cette obsession fusionnelle sont abordées, du récit de la découverte de ses premiers comix a son entrée dans le monde l'auto-édition. Les récits d'Alec touchent a quelque chose qui dépasse l'expression du Moi, puisqu'ils racontent avant tout le parcours d'un garcon qui trouve un sens a sa vie en meme temps que s'affirme son engagement dans la BD. C'est en tout cas ce que nous permet de saisir cette anthologie qui nous fait survoler d'un trait (ou presque) quasiment 7 ans de la vie d'Alec. A ce stade, on est quasiment dans le récit d'initiation. Cette grille de lecture n'existait probablement pas pour les lecteurs qui durant 7 ans ont achetés le fanzine d'Alec. Réunies en un volume, cette sélection d'histoires permet de remettre en perspective tout ce qui meut le personnage : son désir de devenir un dessinateur indépendant, les problemes du quotidien qu'il doit surmonter pour arriver a ses fins, la reconnaissance qui commence a pointer le bout de son nez. Contrairement a ce que j'ai pu lire sur certains sites, on est loin de la célébration du mythe du self-made men. Dans Phase 7, Alec souhaite juste se réaliser, et accesoirement réaliser ses reves, qui sont loin d'etre des reves de richesse ou de pouvoir. Cette anthologie est donc, de fait, plus qu'une simple compilation, ou une svulgaire "édition Francophone" d'un album déja existant. Elle nous familiarise avec le personnage, nous fait suivre son évolution, nous permet meme de prendre de la distance avec lui. Bref, ce livre a plus d'une raison d'etre. Si vous désirez aller a la rencontre de ce personnage, aussi parfaitement banal que paradoxalement atypique, il n'existe pas un ouvrage plus complet que cette anthologie PHASE 7. J'y reviendrais. (PHASE 7 de Alec Longstreth, Ed. L'Employé du Moi, distrib. Le Comptoir des Indépendants). J'AI DEUX BRAS, DEUX JAMBES, JE SORS ACHETER MES LIVRES CHEZ MON LIBRAIRIE ET J'EMMERDE AMAZON
ISAAC - sept. 2008 / décembre 2008 DESCANSA EN PAZ, CHIQUITO
MY FAVORITE MOVIES # 04 LA CLEF guillaume nicloux (2007) "Si l'homme a besoin du mensonge, après tout libre à lui ! Mais enfin, je n'oublierai jamais ce qui se lie de violent et de merveilleux à la volonté d'ouvrir les yeux, de voir en face ce qui arrive, ce qui est. Et je ne saurais rien de ce qui arrive si je ne savais rien du plaisir extrême, de l'extrême douleur" George Bataille - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Les films de Guillaume Nicloux s'ouvrent toujours d'une manière éminente. Ils sont aussi connus pour leur difficulté à se refermer, autant à l'écran que dans nos esprits. En effet, comment oublier cette série de travellings-avant sur des lieux déserts que nous ne connaissons pas encore et qui constituent les premières minutes de "Cette Femme-Là" ? Ou encore la séquence d'ouverture du "Concile de Pierre", ces trois premières minutes dénuées de "son in" ?La Clef s'ouvre sur une image (celle d'un parc abandonné au milieu de l'automne), d'une musique austère (un accordéon à bout de souffle) et d'une voix off qui déjà tire des conclusions sur une histoire dont nous ignorons encore les tenants et les aboutissants. En quelques plans, nous retrouvons quelques figures bien connues du cinéma de Nicloux, son style, son univers, ses obsessions. Pour les connaisseurs, nous sommes en terrain connu. Pour les curieux qui découvrent leur premier Nicloux, ou qui l'ont découverts avec son film le plus ouvertement mainstream (Le Concile de Pierre, réalisé en 2006), un temps d'adaptation sera nécessaire. Spectateur initié ou pas, le malaise s'installe déjà. TRILOGIE IMPLICITE A bien des égards, "La Clef" est un un film-somme qui clôt une sorte de "trilogie implicite" dont les deux premiers segments sont "Une Affaire Privée" (2002) et "Cette Femme-Là" (2003). - Film-somme car on retrouve dans "La Clef" chaque personnage principal de chacun de ses films (le commissaire Michèle Varin, interprétée par Josiane Balasko, et l'inspecteur François Manéri incarné par Thierry Lhermitte), alors que se rapporte une troisième pièce au puzzle : Eric, le personnage interprété par Guillaume Canet. - Film-somme car on retrouve dans "La Clef" tout l'univers de Nicloux, mais dans sa version épurée, découennée, débarrassée de tout superflu. Dans "Cette Femme-Là", Nicloux avait encore recours à des éléments très classiques (mais terriblement bien employés) pour élaborer un sentiment de peur, tels l'emploi oppresant du mixage sonore, ou encore l'utilisation de lents travellings. Dans "La Clef", la peur semble surgir aux quatre coins des plans, sans que le spectateur soit pour autant capable d'en identifier l'origine. - Film-somme enfin, car tout son savoir-faire en matière de mise en scène et de direction d'acteur semble culminer dans ce dernier opus. Bizarrement, Guillaume Nicloux parait avoir laissé derrière lui les mouvements de caméra sophistiqués et s'être laissé séduire par un style "caméra portée", faisant ainsi le chemin inverse de ces jeunes metteurs en scène tournant leur premier film caméra à l'épaule, soit par manque de moyen, soit avec un désir de rendre leur mise en scène plus énergique et spontanée. Il en va de même pour sa méthode de "casser les réflexes du comédien", qui donne à "La Clef" les plus grands moments de terreur impalpable et flottante qu'il ait filmé.
CHACUN CHERCHE SON SIEN "On ne va pas vers le beau, tu sais". Pour un peu, cette phrase, lâchée dans le film par Vanessa Paradis passerait presque pour une note d'intentions laissée au spectateur distrait. Note d'intention que Nicloux semble suivre à la lettre depuis la fin du tournage du "Poulpe" voilà 10 ans. Tourner recemment "Le Concile de Pierre", gros budget adapté de l'aberrant roman de Jean-Christophe Grangé, œuvrette dont Nicloux réussit à la force du poignet à arracher quelques fulgurances malgré l'épaisse inanité de son scénario, semble lui avoir donné l'envie de se libérer d'un trop lourd dispositif de tournage. Adieu les grues, la steadycam et les plaines d'Asie du sud-est, re-bonjour la banlieue, les campagnes déprimantes, les parkings et les zones industrielles. Motivé par ce retour sur son territoire, il était naturel que "La Clef" s'enfonce un peu plus loin dans les expérimentations narratives chères à son auteur.
"La Clef" raconte l'histoire d'Eric, un homme incapable de devenir père tant qu'il n'a pas lui-même élucidé le mystère de ses origines. Alors qu'il a partiellement abandonné l'idée de mettre la main sur son paternel, un certain Joseph Arp le contacte pour lui remettre ses cendres. Le jour de leur rencontre, un engrenage kafkaien se met en place, propulsant le personnage dans une histoire où rien semble à priori avoir de sens. Dans une histoire dont Joseph Arp, qu'on devine frustré de ne pas être le père d'Eric, semble être la clef de tout les mystères. Le sens de cette histoire, nous la saisirons par le biais d'une série de flash-backs racontant ce qui s'est passé dans cette région 32 ans avant. Parallèlement à ces deux strates temporelles, vient se greffer l'histoire d'un homme, partit lui aussi à la recherche d'un membre de famille. Sa fille.
LA BEAUTE DE L'HORREUR Malgré les apparences, "La Clef" n'est pas un film déprimant. Si ses personnages trimballent tous avec eux un spleen taille XL, le regard que Nicloux porte sur eux n'est jamais condescendant ni misérabiliste. Au contraire, le film semble uniquement être tendu par la volonté confuse qu'ont ces personnages à aller jusqu'au bout d'eux-mêmes, quite à mettre en danger leurs propres fondements. Pour les personnages, il s'agit donc d'aller à la rencontre de leur "part maudite". Pour le réalisateur, il s'agit avant tout d'extraire la beauté de l'horreur (des situations, des visages), de capter ces moments où les personnages apprennenrt d'eux-mêmes quelque chose qu'ils ignoraient, bien souvent dans la douleur et l'adversité. De mettre le doigt sur ces moments que seul le cinéma et les êtres attentifs sont capables de voir.
Malgré les apparences, "La Clef" serait presque un film fantastique, tant Nicloux semble être mieux que quiconque capable d'ouvrir de fines brèches d'irrationalité à partir des plus banales situations du quotidien. Le personnage interprété par Balasko évoque à un moment donné, au détour d'une banale conversation, la fantasque possibilité qu'il puisse exister des mondes parrallèles. Et si "La Clef" du film se trouvait dans ces recoins ? Le fait que ces paroles surviennent lors d'une anodine conversation démontre à quel point les films de Nicloux reposent sur l'angoisse qu'une brèche puisse s'ouvrir d'un moment à l'autre dans la réconfortante banalité de nos existences, au moment même où nait la conscience que cette expérience est le seul moyen d'en savoir enfin plus sur nous-mêmes. Sans mysticisme, sans donner dans l'existentialisme et sans verser dans un fantastique franc, "La Clef" (et les autres films de la "trilogie") s'empare bel et bien de l'intuition que le monde est probablement bien plus vaste et profond que ce qu'il nous donne à voir. Une promesse de mystères -solubles ou pas dans le réel- dont le film n'est jamais avare. Si l'univers et la morale du film sont loin d'être rassurants, l'obstination de Guillaume Nicloux à poursuivre une oeuvre noire, réputée difficile, souvent considérée à tort comme "gratuitement glauque", n'en est pas moins une bonne nouvelle pour le cinéma français. Et si son salut passait par la modestie de ses auteurs et sa foi dans l'existence d'une terre cinématographiquement vierge ? (FT) (Chronique parue dans le numéro 7 du magazine NOISE)
Bon sang, quand est-ce qu'on le lance ce projet de livre l'illustrations qui rendra hommage a toutes ces sublimes créatures de celluloid qui hatent nos nuits ?
Pour les 75 ans du CONSEJO MUNDIAL DE LUCHA LIBRE (plus connu sous le nom de CMLL, la plus grande et la plus ancienne fédération de Lucha du Mexique), le Museo de la Ciudad de Mexico a organisé une expo assez impressionnante (non pas par sa taille, mais par le contenu historique des objets qu'elle laisse a voir) ou des centaines de documents et d'objets sont exposés, photos, masques, photos, magazines, illustrations. Bref, un beau bordel ressortis des greniers des archives du CMLL pour une expo qui s'adresse plus aux néophytes qu'aux spécialistes (on y retrouve pas mal d'images déja publiées ailleurs, notamment les photos de LOUISE GROBET), néanmoins, ce fut un vrai plaisir que de trainer dans ces longs couloirs peuplés d'images a la puissance iconographique indéniable. Petite visite virtuelle de KATHARSIS par votre dévoué serviteur :
ESTHETIQUE ET FILATURE de Tanxxx et Lisa Mandel (KSTR)
A ma droite, Tanxxx, que je ne vous ferais pas l'affront de vous présenter dans ces colonnes. A ma gauche, Lisa Mandel, surtout connue pour ses BD pour enfants (Nini Patalo) et son fameux blog. A elles deux, elles viennent de pondre une drôle de bande dessinnée étrangement nommée Esthétique et Filature. Si la couverture ne fait pas bien envie, le contenu se révèle des plus étonnant. Le dessin d'abord, signé Tanxxx, nous fait constater à quel point la bordelaise maitrise désormais définitivement son crayon, surtout quand elle s'attarde sur les pleines pages. Bien des pages font preuve d'une grande virtuosité, bien qu'elles tranchent parfois un peu violemment avec les plus petites cases, parfois un peu plus bâclées. Si le style de Tanxxx évoque rarement le travail de Charles Burns dans ses illustrations, il est étonnant de voir à quel point cette influence ressort quand elle travaille sur de la bande dessinée en noir et blanc (notamment dans les pleines pages). Si les frères Hernandez semblent aussi être passés par là, on prends très vite ses distances avec ces influences parfois assez évidentes (mais jamais désagréables, loin de la) par le biais d'un humour assez décomplexé qu'on retrouve aussi bien dans le travail de Lisa Mandel en solo que dans celui de Tanxxx.Le scénario signé Lisa Mandel, un peu trop décousu pour remporter l'adhésion n'est assurément pas le point fort de cette Bédé néanmoins sympathique. Bien qu'on devine que l'album a été écrit à l'aide d'une petite dose d'autobiographie, et que le jeu des ressemblances (le personnage de Marie ressemble à Tanxxx, celui d'Adrienne à Lisa Mandel) joue en faveur de l'histoire, Esthétique et Filature vaut surtout pour l'incongruité de la plupart des situations et pour la beauté plastique de l'ensemble. Ce "one shot", un brin anecdotique nous donne donc surtout envie de prendre rendez-vous avec le prochain album de Tanxxx, quel qu'en soit le scénariste. (FT) (Chronique parue dans le supplément culturel du quotidien suisse LE COURRIER du 22/23 novembre 2008)
|