Entre Angora et Fraise et Chocolat, mon style a énormément changé. Je ne le dois pas spécialement au Japon, bien que le fait d'avoir pris des cours de calligraphie m'ait sans doute aidée à libérer mon trait. C'est Frédéric qui m'a le premier encouragée à prendre ce chemin. J'avais commencé à dessiner Fraise et Chocolat dans le style d'Angora, mais il m'a vite fait comprendre que mes esquisses initiales étaient beaucoup plus vivantes et que je devais m'en approcher le plus possible dans la version définitive. C'était difficile au début, je redessinais des dizaines de pages, c'était à s'en arracher les cheveux... Et puis Loïc Néhou d'Ego comme X, à qui Frédéric et moi avions dans un premier temps présenté le projet, n'était pas d'accord avec cette nouvelle direction graphique. Après quelques mois de doutes et d'essais infructueux, j'ai montré les pages à Joann Sfar, qui m'a dit exactement la même chose que Frédéric et m'a donné des conseils supplémentaires. Et là, quelque chose s'est débloqué et j'ai pu terminer l'album. À ce propos, je voudrais rectifier une fausse information que j'ai pu lire sur internet : Ego comme X n'a pas "refusé" Fraise et chocolat parce qu'il le trouvait trop "vulgaire" ! Loïc Néhou, le directeur éditorial, à qui j'avais confidentiellement montré l'intégrale des esquisses dialoguées, était au contraire très enthousiaste, nous félicitant pour "ce livre important" et "audacieux dans son propos" (je cite des fragments de notre correspondance). Si le livre n'est finalement pas paru chez Ego comme X, c'est uniquement parce que le nouveau dessin ne convenait pas à Loïc Néhou. Il me demandait de revenir à celui d'Angora... Voilà comment j'ai finalement montré le projet à Benoît Peeters des Impressions Nouvelles, qui l'a immédiatement accepté, avec beaucoup de chaleur.
Au niveau du trait, vous essayez désormais d'aller droit au but du premier coup.
Oui, c'est plus rapide, plus efficace et infiniment plus amusant ! Plus imprévisible aussi. Quand j'y arrive effectivement "du premier coup", je suis contente car j'ai fait mon dessin en 30 secondes... Malheureusement, c'est très, très rare... Parfois je dois m'y reprendre à 30 fois avant d'arriver à faire croire que j'y suis arrivée du premier coup! (rires) La première fois que j'ai vu ce processus décortiqué, c'était il y a 10 ans lors d'une expo Bretécher à Angoulême. Comme Reiser, elle a un dessin très jeté, et beaucoup de gens pensent que c'est "facile", que "même mon cousin il peut le faire"... Eh bien dans cette expo, ils avaient montré tous les dessins qu'elle avait faits (une vingtaine) pour aboutir à un seul dessin. Ca m'avait beaucoup impressionnée à l'époque.
En lisant les articles de presse compilés sur votre site, je me suis rendu compte que la musique occupait une grande place dans votre vie. Mais contrairement à des auteurs comme Larcenet ou Ivan Brun, ça ne transparait pas du tout dans vos dessins et vos BD.
Dans Angora, il y a de discrètes références à Brel et au Velvet Underground. De temps en temps, j'aime rendre hommage à un artiste en utilisant le titre d'une de ses chansons pour une histoire courte. Mais je n'aime pas trop quand un auteur de BD propose une bande-son à écouter en lisant son livre... Ca peut fonctionner seulement si le lecteur connait déjà la chanson... De manière générale, je n'aime pas tout ce qui sort le lecteur de la narration propre. Et puis quand je lis un livre, j'aime le faire en silence. Quand je dessine, par contre, j'écoute pas mal de musique, et peut-être que ça influence mon dessin, son rythme ?
Vous écoutez quoi alors ?
Depuis mes 15 ans, mes goûts ont relativement peu changé, j'écoute principalement du rock. J'ai commencé avec Nirvana, Bikini Kill, les Pixies, les Smiths, Weezer... En ce moment je suis folle des Mates of State, un groupe qui joue des choses très dynamiques, très pop, pleines de vie. Je guette le dernier album de Blonde Redhead, qui devrait sortir le jour de mon anniversaire, le 10 avril prochain... Comme je reste souvent 8 heures par jour à ma table à dessin, j'écoute énormément la radio via internet. J'aime beaucoup l'émission Là-bas si j'y suis sur France Inter. Ca me permet de me tenir informée, d'autant plus que cette émission aborde toujours l'info sous un angle différent. J'écoute aussi Sur les docks, une émission documentaire sur France Culture.
Beaucoup de gens sont surpris que vous soyez à la fois dessinatrice et docteur en pharmacie. Pourtant, on y trouve un gros point commun, dans la mesure où le pharmacien soigne les corps, et l'artiste soigne l'âme.
(rires) Quand je dessine, je pense assez peu à mon métier de pharmacien, mais le pharmacien peut aussi soigner l'âme... Je me rappelle quand j'étais au comptoir, j'adorais discuter avec les gens, ou plutôt les écouter... Les discussions partaient sur leur santé, et comme c'est quelque chose de très intime, ils débordaient souvent sur leur vie privée, leurs problèmes de couple... On exerce toujours un métier selon sa personnalité...
(Fin)Au niveau du trait, vous essayez désormais d'aller droit au but du premier coup.
Oui, c'est plus rapide, plus efficace et infiniment plus amusant ! Plus imprévisible aussi. Quand j'y arrive effectivement "du premier coup", je suis contente car j'ai fait mon dessin en 30 secondes... Malheureusement, c'est très, très rare... Parfois je dois m'y reprendre à 30 fois avant d'arriver à faire croire que j'y suis arrivée du premier coup! (rires) La première fois que j'ai vu ce processus décortiqué, c'était il y a 10 ans lors d'une expo Bretécher à Angoulême. Comme Reiser, elle a un dessin très jeté, et beaucoup de gens pensent que c'est "facile", que "même mon cousin il peut le faire"... Eh bien dans cette expo, ils avaient montré tous les dessins qu'elle avait faits (une vingtaine) pour aboutir à un seul dessin. Ca m'avait beaucoup impressionnée à l'époque.
En lisant les articles de presse compilés sur votre site, je me suis rendu compte que la musique occupait une grande place dans votre vie. Mais contrairement à des auteurs comme Larcenet ou Ivan Brun, ça ne transparait pas du tout dans vos dessins et vos BD.
Dans Angora, il y a de discrètes références à Brel et au Velvet Underground. De temps en temps, j'aime rendre hommage à un artiste en utilisant le titre d'une de ses chansons pour une histoire courte. Mais je n'aime pas trop quand un auteur de BD propose une bande-son à écouter en lisant son livre... Ca peut fonctionner seulement si le lecteur connait déjà la chanson... De manière générale, je n'aime pas tout ce qui sort le lecteur de la narration propre. Et puis quand je lis un livre, j'aime le faire en silence. Quand je dessine, par contre, j'écoute pas mal de musique, et peut-être que ça influence mon dessin, son rythme ?
Vous écoutez quoi alors ?
Depuis mes 15 ans, mes goûts ont relativement peu changé, j'écoute principalement du rock. J'ai commencé avec Nirvana, Bikini Kill, les Pixies, les Smiths, Weezer... En ce moment je suis folle des Mates of State, un groupe qui joue des choses très dynamiques, très pop, pleines de vie. Je guette le dernier album de Blonde Redhead, qui devrait sortir le jour de mon anniversaire, le 10 avril prochain... Comme je reste souvent 8 heures par jour à ma table à dessin, j'écoute énormément la radio via internet. J'aime beaucoup l'émission Là-bas si j'y suis sur France Inter. Ca me permet de me tenir informée, d'autant plus que cette émission aborde toujours l'info sous un angle différent. J'écoute aussi Sur les docks, une émission documentaire sur France Culture.
Beaucoup de gens sont surpris que vous soyez à la fois dessinatrice et docteur en pharmacie. Pourtant, on y trouve un gros point commun, dans la mesure où le pharmacien soigne les corps, et l'artiste soigne l'âme.
(rires) Quand je dessine, je pense assez peu à mon métier de pharmacien, mais le pharmacien peut aussi soigner l'âme... Je me rappelle quand j'étais au comptoir, j'adorais discuter avec les gens, ou plutôt les écouter... Les discussions partaient sur leur santé, et comme c'est quelque chose de très intime, ils débordaient souvent sur leur vie privée, leurs problèmes de couple... On exerce toujours un métier selon sa personnalité...
Merci à Aurélia Aurita et Benoît Peeters des Impressions Nouvelles.
2 commentaires:
A.A. si tu passes par là, je t'invite à aller voir "la consultation" en salles lors de ton passage en france...
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