vendredi 3 avril 2009

PAROLE DE LA NUIT SAUVAGE

En flânant dans ma bibliothèque, je suis tombé cet après-midi sur ce livre de Lou Reed édité en 1991 chez 10/18 et contenant la plupart de ses textes. Un livre dont j'ignorais jusqu'à aujourd'hui que je possédais. A la fin de ce livre, figurent deux interviews que Lou Reed a réalisé pour deux magazines américains. Une, vraiment passionnante, du regretté Hubert Selby Jr., tournant autour de ses secrets d'écriture, et une autre de Vaclav Havel, alors tout récemment élu président de la république de Tchécoslovaquie. Très vite, ils en viennent à parler de sa jeunesse et de l'influence qu'a eu le rock U.S. dans ce pays. "A la fin des années 60, il y a eu ici un engouement pour le rock... Après l'invasion Russe, la plupart des groupes se sont séparés, ou ont faits un autre genre de musique, car le rock de qualité était réellement banni. Mais il y a eu un groupe, notamment, qui ne s'est pas dissous, ni rebaptisé, et qui n'a pas changé. Dans leur style, ils ont étés très influencés par le Velvet Underground, dont j'avais le disque. Je l'avais rapporté de New-York en 1968 (...) Ce groupe a été persécuté (...) Grâce à eux, un mouvement de contre culture est né dans ce pays, durant les années 70 et 80. Puis ils ont étés arrêtés."

A la fin de l'interview, Vaclav Havel parvient à persuader Lou Reed de jouer le soir même dans un club, en compagnie du groupe dont il lui parlait plus haut. Après le concert, Lou Reed est présenté à tout un tas de gens. Il écrit : "J'ai ainsi fait la connaissance d'une série de gens étonnants, tous dissidents, et qui tous avaient étés emprisonnés. Certains pour avoir joués ma musique. Beaucoup m'ont dits qu'ils récitaient mes chansons en prison pour se donner du courage et de l'inspiration".

J'adore Lou Reed. Je considère que l'album éponyme du Velvet Underground et Nico est probablement l'un des cinq meilleurs disques de rock jamais enregistré. Et que "Transformer" n'est pas loin derrière. Pourtant, en bon occidental né à la fin des trente glorieuses, n'ayant jamais connu la faim, la guerre ou la restriction de ses libertés, jamais je n'avais considéré les textes du Velvet sous cet angle. Alors que je les relis maintenant avec cette idée en tête, quelque chose me semble soudain évident : au cœur de ce déluge d'inepties, de chansons insipides, de romans vides, de marchandises culturelles qu'on nous balance à la face quotidiennement, se demander si des gens emprisonnés pourraient trouver du courage à travers nos mots ne serait-il pas le meilleur moyen d'évaluer la qualité d'une chanson ou d'un roman qu'on s'apprête à publier ou à chanter ?

Imaginez deux minutes un monde où cette règle d'autocensure serait une évidence ? Peut-être pourrions-nous apprécier à sa juste valeur le silence.

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