MY FAVORITE MOVIES # 07
LOS BASTARDOS
amat escalante (2008)
amat escalante (2008)
Le cinéma n'est pas qu'une vulgaire machine à produire de l'artifice. A force de bouffer de l'ultra-violence lyophilisée par paquet de douze dans les hypermarchés Hollywoodiens, on en oublierait presque que le cinéma possède aussi potentiellement le pouvoir de nous foudroyer sur place au détour d'un simple plan, de révéler le chaos qui bouillonne sous les représentations qu'on se fait du monde. Los Bastardos est un engin au service du réel. Un film d'une rare puissance. Du genre qui vous donne l'impression de n'être jamais sorti de la salle de ciné, même des semaines après la projection. Une illusion qui vous en dit plus sur la réalité que la réalité elle-même. Une fiction violente autant capable de nous impliquer émotionnellement dans son univers tout en nous donnant matière à réfléchir.
D'Orange Mécanique a Funny Games, des films théoriques cherchant à nous démontrer l'obscenité de la violence en nous exposant a une surdose de violence ont tous eu leur mot à dire sur le sujet. Malgré leur bonne volonté, la plupart de ces films ont échoués dans leur démonstration, rencontrant paradoxalement le succès pour les raisons mêmes qu'ils prétendaient dénoncer. Si les desseins d'Amat Escalante ne sont pas exactement ceux de Kubrick ou d'Haneke, Los Bastardos n'en reste pas moins un film plus subtil que ceux de ses grands frères, délivrant un message similaire sans toutefois s'alourdir d'une quelconque démonstration. Los Bastardos ne cherche aucunement à dénoncer la manière dont la violence au cinéma déréalise la violence du monde réel, mais utilise au contraire la violence au cinéma pour mieux analyser la manière dont elle procède dans la réalité. En inversant la démarche du Haneke de Funny Games, Amat Escalante frappe plus fort et parvient à évacuer toute ambiguïté, tant la violence de Los Bastardos se révèle vite inconsommable.
Jesus et Fausto sont deux ouvriers Mexicains travaillants illégalement à Los Angeles. Chaque jour, ils attendent sur un parking de banlieue que des employeurs peu scrupuleux viennent les lever comme de vulgaires prostituées pour les plus bas travaux. Lassés de travailler dur pour un salaire de misère, ils acceptent un matin un travail d'une nature un peu spéciale. Et troquent pioches et pelles pour un fusil à pompes.
Lettres rouges sur fond noir, musique ultra-violente, dès les premières secondes on pense aux génériques des films de Gaspar Noé et de Michael Haneke. Quelques instants plus tard, alors que le rythme se calme considérablement, c'est plutôt le naturalisme de Bruno Dumont qui est convoqué. 29 Palms en tête. Malgré ces bruyantes petites casseroles que Los Bastardos semble se traîner, le film d'Amat Escalante finit étrangement très vite par trouver son identité propre, comme s'il s'agissait de se débarrasser dès les premières minutes de ces influences trop marquées.
A partir de là, s'ouvre un jeu subtil conservant ce qu'il faut de perversité, qui consiste à décortiquer les liens troubles, réversibles et protéiformes qu'entretiennent exploitants/exploités, nord/sud, conscience et nécessité, bourreau et victime. Sans surenchère, hors de tout jugement, avec une patiente méticulosité, le spectateur est invité à sonder ce que ces quelques âmes laissent entrevoir d'elles-mêmes dans ce grand cirque des rapports sociaux, aussi biaisé soient-ils. Quitte à y laisser un part de soi-même. Les plus impressionnables d'entre vous sont priés d'attendre à la sortie. Ce voyage est sans retour.
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