samedi 12 avril 2008

MFM : SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG

MY FAVORITE MOVIES # 01
SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG
melvin van peebles (1971)




SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG = le A BOUT DE SOUFFLE du cinéma afro-américain. Le genre de film a balancer à la poubelle toutes les conventions du cinéma traditionnel et à vous décomplexer toute une vague de cinéastes. Si MELVIN VAN PEEBLES n'avait pas tourné ce film, il ne fait aucun doute que l'émergence du mouvement Blaxploitation aurait été retardé, ou du moins aurait connu un destin tout autre (il serait plus classe de dire des phrases du genre "n'aurait jamais vu le jour", mais j'en doute, tant le cinéma Blaxploitation était voué à éclore tôt ou tard à cette époque).
En revoyant SWEET SWEETBACK aujourd'hui, il est difficile d'imaginer à quel point ce film fut révolutionnaire à sa sortie. A l'époque, jamais on avait cadré un film de la sorte, jamais on avait monté un film comme ça, jamais on avait utilisé la musique de cette manière, jamais on avait filmé un noir de la sorte, jamais un tel personnage n'avait été inventé (quasi muet, pure abstraction mue par une rageuse volonté de survivre, vouée à la fuite). Mais surtout, jamais un cinéaste noir n'avait réalisé un film aussi agressif, sexuel et politique, dans un tel mépris du qu'en-diras-t-on (ou plutôt du qu'en-diras-l'homme-blanc) du "milieu".

Well... Je pourrais vous en écrire des tartines, mais à quoi bon écrire et véhiculer sur la toile toujours les mêmes lieux communs sur ce film quand il vous suffirait de vous procurer SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG, l'excellent livre paru chez ROUGE PROFOND et contenant des textes originaux racontant la genèse du film + pas mal d'analyses de chercheurs aussi émérites que JEAN-BAPTISTE THORET ou encore NICOLE BRENEZ ?



"Ce mépris de la grammaire cinématographique, est une façon supplémentaire de résister aux règles fixées par les Blancs. Les techniques académiques sont remplacées par une "hypertrophie" des moyens offerts par le cinéma (zoom, décadrages, faux raccords, saturations des couleurs, filtres), moyens alors uniquement explorés par le cinéma dit "expérimental". Bruits, voix et musiques sont intégrées dans le même mouvement musical : la pulsation donnée par le riff est souvent contestée, mais elle ne disparait jamais. la permanence de cette pulsation rend encore plus perceptible cette conquête de l'espace par le corps de Sweetback. Seule compte l'énergie du héros, encouragé par les chœurs gospels qui répètent sans cesse : "Allez, pieds, voyagez pour moi (...) allez, jambes, allez, courrez". S'il y a une histoire dans ce film, c'est l'histoire de ce corps".
(Nicole Brenez)




"IL FAUT QUE ÇA DÉCHIRE
(Je n'avais aucune illusion sur le niveau d'attention des gens dont le cerveau est délavé et gavé de banalités).
A- Le film ne pourra pas se contenter d'être un simple discours didactique, projeté dans un cinéma vide, à l'exception de dix ou vingts Frères déjà convaincus qui me taperont sur l'épaule en me disant que le film dit vraiment la vérité.
B- Si les Frères trouvent le film ennuyeux, c'est qu'il est ennuyeux. Un des problèmes aquel il faut impérativement faire face, c'est que pour attirer la masse nous ne devons pas seulmenet faire un film qui instruise, mais un film qui divertisse.
C- Il doit être capable d'exister comme un produit commercial viable sinon il n'aura aucun pouvoir. Hollywood a un portefeuille d'Achille : ils seront avec toi s'ils pensent qu'il y a du fric à se faire. mais ils ne le seront pas si c'est pour diffuser un message gratos, surtout s'il est pertinent".
(Notes, Melvin Van Peebles, Février 1970)




Split-screens crados, montage à la machette d'images n'ayant parfois aucune continuité entre elles, cadrages hasardeux, bande son entêtante, faux-raccords à la pelle, MELVIN VAN PEEBLES semble avoir poussé si loin les recherches plastiques qu'il en oublie presque qu'il a une histoire à raconter. Etais-ce intentionnel ? Probablement, tant toute son énergie semble être passée dans l'élaboration de cette révolution esthétique. Chaque plan semble si sûr de l'effet qu'il produit que le film en deviendrait presque énervant sur la longueur si le spectateur ne finissait pas par abdiquer devant une telle maestria dans le pétrissement de la matière filmique.
La rupture, il la chercha, et il la trouva. Rupture avec les conventions cinématographiques, rupture avec l'idéologie dominante, mais aussi rupture avec lui-même,si l'on compare SWEET SWEETBACK avec son film précédent, le plus conventionnel WATERMELON MAN. Cette politique de la terre brulée (ou plutôt de la "pellicule brulée"), VAN PEEBLES la paya cher puisqu'il ne tourna ni plus ni moins qu'un film dans les années 70 : DON'T PLAY US CHEAP.



La BO de ce film est un cas un peu particulier. Alors que le film était retenu par l'organisme chargé de la censure, MELVIN VAN PEEBLES alla voir le label STAX et leur vendit les bandes. La BO vit le jour avant que le film sorte en salle. Au moment où le film obtint un visa de sortie, le soundtrack était déjà sur toutes les lèvres de la communauté afro-américaine.
Composée par VAN PEEBLES lui-même, les morceaux sont joués par EARTH, WIND & FIRE, à l'époque d'illustres inconnus. Rappelons qu'avant de devenir mondialement connus avec leur soupe disco, EARTH, WIND & FIRE fût un groupe de black music vraiment très respectable, leurs premiers albums d'avant 1975 en témoignent.
Aussi déstructurée et fiévreuse que le film qu'elle illustre, cette BO surfe entre le funk-rock, la soul music, le gospel et des extraits soulignements choisis du film. Si la première écoute peut se révéler un peu rude, lorsqu'on connait le film, elle prend rapidement tous son sens et devient vite un disque imparable.
Pour les curieux, le disque est dispo ICI.










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