jeudi 19 juillet 2007

ARNAUD MICHNIAK * INTERVIEW PART I

Interviewer ARNAUD MICHNIAK est un vieux projet que je traîne dans mon baise-en-ville mental depuis des années. Aujourd'hui, jeudi 19 juillet 2007, c'est chose faite.
En réalisant cette interview, devant la disponibilité du bonhomme et la clairvoyance de ses réponses, je me suis demandé pourquoi j'ai tant de fois repoussé l'échéance.
J'ai bien mes réponses, mais elles sont inintéressantes.
Les siennes, par contre...


Après la fin de PROGRAMME, j'étais persuadé que tu reviendrais, non pas avec un film, ni même avec un disque, mais avec un roman.
N'as-tu jamais été tenté par l'expérience littéraire ?
Si, ça m'a tenté, mais je me suis dit que tant que j'avais l'énergie, il valait mieux la dépenser à faire des films. Je garde cette option pour le moment où je serais devenu misanthrope et que je ne voudrais plus voir personne (rires). J'y ai pensé, ouais, mais je me suis dit qu'il fallait que je dépense un peu plus d'énergie, que j'aille encore plus à la rencontre du monde. J'ai écris un peu pour le scénario, mais ce n'étais pas des choses sur lesquelles je pouvais embrayer. Des fois, je me dis aussi que je devrais écrire des choses un peu plus éditoriales, des articles, des choses comme ça, mais je n'ai jamais commencé les exercices d'écriture quotidienne.
J'y pense. Je crois que je vais commencer à m'y mettre.

Avant la sortie de APPELLE CA COMME TU VEUX en DVD, quelle avait été la vie du film ?
J'avais diffusé le film une fois à Toulouse, surtout pour les gens qui l'avaient faits, ensuite je l'ai envoyé à pas mal de festivals en France, les gros festivals habituels sélectionnant des courts-métrages. Le film n'a pas eu de vie, étant donné qu'il n'a été pris nulle part.

L'éternel problème des festivals qui sélectionnent d'après le format du film...
Oui, ils prennent surtout des films en 35mm. Déjà avec du 16mm, c'est pas évident d'être pris. La vidéo encore moins, ce qui est vraiment dommage, étant donné que c'est l'outil le plus démocratique qui existe aujourd'hui sur le marché, dans le sens où tu peux toujours te démerder pour réaliser un film pour pas trop cher.
Le 35mm ça implique de gros budgets, une recherche de financement, donc un certains type de pensée, une certaine présentation. Y'a toujours une corrélation entre "comment tu finances quelque chose" et "comment ce quelque chose va être", même si tu le perçois jamais sur le moment.
Bref, tout cela est un peu catastrophique. Je me permet de le dire car je connais pas mal de gens qui font des films, pas forcément dans la même lignée que moi, certains font des choses parfois même plus classiques, et tout le monde tient le même discours : tu es sélectionné sur le support, si y'a des gens qui ont mis de l'argent dessus, sur des thèmes, sur des façons de les traiter, la plupart du temps très consensuelles.
J'ai un ami qui a récemment envoyé son film dans des festivals, il a eu 0% de réussite en France et il a été pris dans quasiment tout les festivals étrangers. C'est un exemple extrême, mais il est significatif.

Ouais, j'ai les mêmes retours de mon côté de la part des gens que je connais qui réalisent des trucs.
Ouais, d'autant plus que la vidéo n'est carrément pas considérée comme du cinéma. Moi-même je ne considère pas que je fais du cinéma. Je fais "du film". Je ne pense pas du tout en terme de cinéma. Je pense plutôt en terme de caméra. J'aime beaucoup les films de cinéma, mais moi, c'est pas ça que je fais.

Justement, parlons-en, es-tu rentré à l'ESAV (l'école supérieur de l'audiovisuel de Toulouse, ndr) par amour du cinéma, ou bien y es-tu rentré avec à l'esprit le simple désir de réaliser des films, de manière brute, comme ça, débarrassé de cette "passion cinéphilique", très souvent présente chez les étudiants en cinéma mais qui finit souvent par les impressionner, par les paralyser.
Non, j'y suis rentré avec un projet bien précis en tête. A l'arrêt de PROGRAMME, je ne me sentais pas de reprendre l'écriture, de refaire des chansons. J'avais besoin de me mettre en danger, un peu, j'avais l'impression de rentrer dans une espèce de routine, un truc que je maîtrisais déjà.
Au départ je pensais faire un journal "audio" collectif. Je voulais absolument faire un truc collectif. Pour moi, la prochaine étape me semblait vraiment d'aller vers la société, de mener une action au réel, et que cette action au réel pourrait être un document. Comme je maîtrisais pas mal le son, j'ai d'abord pensé que ça pourrais être un journal audio. Et puis j'avais envie que les gens parlent, j'avais l'impression que toute une partie de gens qu'il y avait autour de moi n'avaient pas la parole, ni dans des films, ni dans les médias, et ça me semblait intéressant qu'ils l'aient, puisque c'étaient des gens en marge, des gens qui ne voient pas la société telle qu'on la présente habituellement de manière assez unilatérale.
A ce moment là, c'est un peu le hasard, j'avais une copine qui faisait l'ESAV. J'y suis donc allé, j'ai vu que c'était une école assez libre, ce qui me correspondais bien, étant donné que je n'étais pas du tout porté sur les écoles, et encore moins sur les écoles d'art. L'ESAV est plutôt une école qui parle de l'outil, il y a des rapports très simples entre les profs et les élèves, il n'y a pas ce rapport d'autorité qui me gêne assez vite. Et en voyant le parcours de ma copine, l'ambiance qu'il y avait, j'ai pensé que je m'y sentirais bien. Du coup, j'ai décidé de transformer ce projet collectif "audio" en un film. J'ai fais quelques courts-métrages, et petit à petit ma lignée s'est dessinée assez clairement, preuve que j'avais tout de même pas mal réfléchi avant. J'ai vu que déjà, le problème entre documentaire et fiction n'était vraiment pas mon problème, qu'il n'y avait pas vraiment de séparation à faire, que je voulais être dans quelque chose de collectif, que je ne voulais pas qu'il y ai un héros, une histoire.
Mon envie n'étais donc pas une "envie de cinéma", de créer une ambiance, de raconter une histoire, ou de creuser la psychologie d'un personnage. Je me suis rendu compte que j'étais dans un rapport un peu plus frontal, où il s'agit de capter du réel, de l'organiser.

(La suite demain)

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