dimanche 20 juillet 2008

MFM : SCHIZOPHRENIA

MY FAVORITE MOVIES # 03
SCHIZOPHRENIA / ANGST
gerald kargl (1983)



Nous sommes en Autriche. Un homme, mentalement perturbé, violé durant son enfance, rejeté par sa famille, est libéré de prison après avoir assassiné une vieille dame d'une manière particulièrement absurde. Considéré comme simulateur de sa folie, il passe 10 ans en prison. Libéré pour bonne conduite, il n'a à sa sortie plus qu'une envie : remettre le couvert.

Quand on voit ce film, on relativise tout de même beaucoup le talent d'un Gaspar Noé. Particulièrement vis à vis de SEUL CONTRE TOUS. C'est bien simple, une bonne moitié des plans et des bonnes idées du film de Noé trouvent leur origine dans le film de Kargl. Voire même IRREVERSIBLE pour bien des plans (notamment ce plan de grue sur les murs de la prison qui rappelle irrémédiablement cet inoubliable premier plan du film de Noé sur les murs de l'immeuble voisin du Rectum) ***



Ainsi, si on pense à Noé d'une manière presque embarrassante, le nom d'un autre metteur en scène nous vient presque immédiatement à l'esprit. Celui de Michael Haneke. Pour l'implacable froideur de l'ensemble, pour l'agencement hyper technique de chaque plan, et surtout le sens que cette technique véhicule.
En effet, on est loin du film virtuose auto-satisfait et dénué de sens. Plans de grue compliqués, plans réalisés avec un harnais pivotant autour de l'acteur, plans réalisés avec des miroirs afin de renverser les perspectives et déstabiliser le spectateur, une grosse moitié des plans surplombent continuellement l'action. Gerald Kargl nous donne ainsi l'occasion d'observer d'une manière quasi clinique le cas d'un tueur schizophrène. C'est à la fois la force du film, mais aussi sa faiblesse. En effet, on en vient très vite à se demander si ce point de vue psychanalytique n'est pas un habile subterfuge pour justifier cette débauche de violence graphique. Très vite, la question finit par ne plus se poser. Très vite, on finit par ne plus trouver la force de raisonner, les sens lourdement assaillis par cette débauche d'images troublantes et de sons tours à tours inquiétants et agressifs (musique de Klaus Schulze, tout de même).

Suivant d'une manière on ne peux plus méticuleuse la véritable histoire de Werner Kniesek qui assassina trois personnes d'une manière particulièrement sauvage en juin 1980, Kargl nous invite à revivre cette nuit en nous racontant les événements depuis deux points de vue diamétralement opposés : un point de vue extérieur (le regard "surplombant" sur la situation : plans de grues, plongées), et un point de vue intérieur (la voix-off nous connectant en temps réel avec les pensées du tueur). Cette technique permet au spectateur d'approcher les motivations du tueur sans pour autant parvenir à les saisir. Et c'est là que le film fait fort : s'il se veut une étude assez approfondie de la psyché de Werner Kniesek, il ne prétend à aucun moment la comprendre totalement. Mieux, le film se clôt sur un légitime aveux de défaite : un esprit sain restera à tout jamais étranger aux raisonnements d'un esprit malade.



Ni un film bis crado et gratuit, ni jamais totalement débarrassé d'une certaine complaisance à l'égard de ce qu'il prétend étudier (la scène de viol sombre dans un grand guignolesque presque déplacé par rapport au traitement hyper réaliste du reste du métrage), le film de Gérard Kargl reste un cas d'école, une œuvre unique, mais surtout une expérience sensorielle éprouvante qui ne manque pas de nous questionner sur nos propres raisons de regarder un tel spectacle.
La réponse se trouve probablement dans la démarche cathartique qu'offre la vision d'un tel tableau. En effet, si Werner Kniesek projette sur ses victimes l'image de sa mère,
ainsi que celle de son beau-père et de l'amie de sa mère s'étant sexuellement servie de lui durant son enfance afin de mieux se purger de sa haine inmaitrisable, Dieu sait quelle anxiété et quelles névroses le spectateur est censé projeter sur cet écran troublé.
La démonstration est imparable.
Le film redoutable.

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*** Ne suffit ensuite plus qu'à regarder LE COLLOQUE DES CHIENS de Raoul Ruiz (1977) pour faire le tour des principaux films que Noé va plastiquement singer pour élaborer son style (influences qui, et c'est tout en son honneur, il ne cherchera jamais à cacher aux yeux du public et de ses fans).

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