mercredi 25 juillet 2007

ARNAUD MICHNIAK * INTERVIEW PART IV

Toi qui propose une expérience de l'art somme toute assez directe, frontale, j'ai été très surpris d'apprendre ta collaboration avec MATHIEU COPELAND (sur une installation vidéo au Musée d'Art Contemporain de Hong-Kong, production de ton film en DVD). N'est-ce pas un peu contradictoire pour toi de travailler avec quelqu'un venant de l'Art Contemporain, de l'Art Conceptuel ?
Oui et non, car il y a quand même eu un gros travail préliminaire de conceptualisation dans la réalisation d'APPELLE CA COMME TU VEUX.

Oui, mais on peux apprécier ton film directement, il n'est dépendant d'aucune explication, ce qui est rarement le cas dans une expo ou une installation d'Art Contemporain.
Je t'avouerais que cette rencontre m'a beaucoup surpris aussi. C'est une rencontre étonnante qui, de plus, correspondait à un moment où j'avais envoyé le film un peu partout sans avoir de retours. Dans un premier temps, MATHIEU COPELAND m'a contacté car il connaissait DIABOLOGUM, PROGRAMME, mon parcours musical. Il n'était même pas au courant que je réalisais maintenant des films. Je lui ai montré le film, ça lui a plu de suite. Mathieu a beau venir de l' "école conceptuelle", où bien souvent l'explication de l'oeuvre est plus importante que l'oeuvre elle-même, il a aussi une personnalité très frondeuse. J'ai été le premier surpris, je ne pensais pas que le film pourrait exister à travers quelqu'un venant de l'Art Contemporain. Je pensais plutôt avoir des ouverture du côté "documentaire", du "film social"...

Parles-nous de ce film que tu as réalisé avec lui à Hong-Kong, "Sound Take in a Hospital".
C'est un film en 16mm qui est très différent, qui est à la fois un film de commande et un film personnel, où il y a tout de même des formes qui se perpétuent, mais sous des aspects différents. C'est aussi un "film collectif", où il n'y a pas vraiment de personnage principal, pas de psychologie non plus.

Ce film a aussi été édité en DVD.
Oui, il est disponible sur le site de Mathieu. Et puis à mes concerts, si j'arrive à en récupérer.

Quelles affinités avais-tu avec le milieu de l'Art Contemporain avant d'y être introduit ?
Etant jeune j'ai un peu commencé par ça dans la culture, mais par une voie un peu plus classique : la peinture, les impressionnistes, et assez vite j'ai atterri sur les mouvements d'avant-garde du XXème siècle, de Dadaïsme, le Surréalisme, quand j'étais au lycée. Je lisais beaucoup de choses là-dessus, et j'ai été très vite marqué par certaines trajectoires d'artistes contemporains des années 60/70. Ca m'a beaucoup marqué, même avec DIABOLOGUM où on faisait beaucoup référence à ça puisqu'on trouvaient nos références aussi bien dans l'Art Contemporain que dans le cinéma que dans le Rock, nous ne faisions pas forcément de séparations entre tout ça.
Ca m'a permis de comprendre ce que pouvait signifier l'évolution d'un artiste en plus de ce qu'il a fait. Y'a ça aussi chez des écrivains, chez Beckett par exemple... Je ne sais pas si je suis très clair...

Tu veux parler de l'auto-réflexion de l'artiste sur sa propre évolution ?
Oui, quel geste dessine tout ce que l'artiste a pu faire. Qu'est-ce que ça indique comme direction. Chez Beckett par exemple, son écriture est de plus en plus dépouillée. Et le fait de m'intéresser à l'Art Contemporain assez jeune m'a mis ce type de réflexion en tête. Le côté conceptuel aussi, qu'on retrouve aussi beaucoup dans le Rock. Comme je l'avais beaucoup vu avant dans l'Art Contemporain, j'y ai fait plus attention dans le Rock. C'est vraiment ce que ça m'a apporté, dans DIABOLOGUM comme dans PROGRAMME, cette "pensée de ce qu'on fait", et des incidences que cela peut avoir ailleurs que sur les chansons elles-mêmes.

Parlons de ton premier disque "solo", qui même s'il est foncièrement plus "pop", reste tout de même dans la ligné du "Bogue" de PROGRAMME, c'est à dire un disque contenant des morceaux "dominants" ponctués d'interludes. Quand tu as commencé à travailler sur le film, tu n'avais pas spécialement prévu de revenir vers la musique. Comment es-tu revenu vers la musique ?
Le processus a été assez long. A la base, je venais de finir de travailler sur le film, puis Mathieu m'a contacté. On est pas partis directement sur une idée de film, on est d'abord partis sur une bande son, puis sur un texte. Ca a été l'élément déclenche
ur qui m'a donné envie de refaire de la musique. J'étais à ce moment-là vraiment déconnecté, j'avais réalisé le film, je n'avais eu aucun retour, je n'avais pas spécialement envie de refaire des morceaux. Bref, j'étais un peu paumé.
J'ai donc commencé à travailler sur cette bande son, suite à ça j'ai écris un texte qui est devenu les différentes parties de "Poing Perdu". Ca a été un début, puis ça m'a donné envie d'écrire d'autres textes, d'autres musiques, de recommencer à penser en terme de disque. Tout cela a duré 6/8 mois, c'est le temps que ça m'a pris pour avoir à nouveau envie de recomposer des chansons.

Et sur scène, quelle configuration as-tu choisi ?
On est à deux, avec un guitariste, Ronan. Moi je suis à la voix et à la guitare, parfois juste à la voix. Sur scène il y a des passages où il y a des projections, sur lesquelles je récite du texte, des passages où on joue les morceaux les plus pop du disque à la guitare accompagnés d'une boite à rythme. Le concert ressemble donc à une espèce de performance. Les images sont des images du film, mais montées d'une autre manière.
Depuis longtemps j'avais en tête de créer une sorte de poésie audiovisuelle, et ça a été l'occasion de réaliser ce projet. J'ai donc retravaillé avec des images du film, mais qui du coup prennent un autre statut, deviennent plus quelque chose comme un journal filmé, ou un film expérimental.
Quand je travaillais sur APPELLE CA COMME TU VEUX, y'a un truc qui me tracassait vraiment énormément, c'était l'idée de résultat. Arriver à quelque chose de fini. Je me disais que l'idéal serait de monter le film différemment pour chaque projection. Forcément je n'ai pas pu le faire, même si j'ai projeté à 2/3 reprises le film avec des montages différents, il arrive un moment où il faut s'arrêter, où je n'ai pas été capable de suivre le truc jusqu'au bout.
Sur scène j'ai donc décidé de tenter de dire autre chose, mais à partir des mêmes images. Le concept est donc un mélange de moments avec ces projections, avec des moments plus classiques, mais réfléchi comme un tout : un début avec des projections, ça s'arrête, ça revient à la fin. Il y a aussi un dialogue entre moi ce que je dis et ce qui est dit à l'écran. Je suis finalement assez content du résultat, c'est assez brut, hybride, original.

Tu as recomposé d'autres morceaux pour la scène ?
Oui, il y a un morceau qui n'est pas sur le disque, qui est une adaptation de la voix-off de APPELLE CA COMME TU VEUX, deuxième partie. C'est une "mise en chanson" de cette voix off. Sinon, ce sont des morceaux du disque qui sont joués différemment, puisqu'on commence par un morceau qui doit faire 10/12 minutes contenant en fait les trois "Poing perdu" et "Le Peuple Sans Visage" avec un son du disque qui tourne en boucle et des choses qu'on a composé spécialement pour la scène.
Je n'avais pas envie de recracher le disque strictement, j'aime bien qu
e les choses changent en permanence et continuent d'évoluer.




Une fois la tournée finie, comptes-tu retourner un film très vite ?

Je vais écrire un nouveau scénario au mois d'août, normalement. J'ai emmagasiné pas mal d'idées depuis la fin du tournage d'APPELLE CA COMME TU VEUX en 2005. Suite à l'expérience avec le film de Hong-Kong, qui est un projet plus cinématographique, j'ai pu me rendre compte quelles étaient mes limites à l'intérieur d
e ça, qu'est-ce qui m'intéressait, qu'est-ce qui ne m'intéressait pas. Là je me sens prêt à réécrire pas mal de choses. Sur le fond comme sur la forme, ça va repartir vers quelque chose d'assez brutal, d'assez éclaté, parceque... parceque... parceque j'en peux plus, quoi ! (rires). Il faut que quelque chose explose. J'ai bien essayé d'écrire des scénarios plus classiques, de dire les choses d'une autre manière, j'ai essayé, j'ai commencé à écrire, mais ça ne me motivait pas. Je vais donc repartir sur une forme assez barrée, assez multiple.
Encore une fois, je n'ai pas le choix, je n'ai pas trop envie de faire autre chose. Il me semble que les questions autour de la fiction et
du documentaire restent des questions à poser. Sur la structure aussi, sur comment on organise les choses, pourquoi les choses ont un lien entre elles qui dépasse le lien qu'on va créer à l'intérieur d'un film. Dans un film classique, les bouts de réalité ont un lien parce qu'il y a une histoire, un personnage, alors que dans mes films il y a cette idée que les bouts de réalité ont un lien entre eux. De toutes manières.
J'aimerais aussi arriver à dire des choses assez
claires, je crois qu'en ce moment je crois qu'il y a vraiment urgence. Même si je sais que ce n'est plus possible de dire aujourd'hui des choses claires.

/// FIN ///
Merci à Laurent Mantey (ICI D'AILLEURS) et Arnaud Michniak pour sa disponibilité... et pour les bouffées d'oxygène.

3 commentaires:

  1. Bon discours, classe.
    Très bon interview aussi.

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  2. Merci pour cette passionnante interview, très instructive, d'un artiste trop rare !

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